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qui a vu de près leurs rivalités nationales, compliquées de haines sociales, de dissidences religieuses, d’ambitions jalouses, de rancunes historiques, il est bien difficile de croire à la possibilité d’une organisation fédérale un peu forte, et l’on est porte à penser que le plus grand effort d’union que l’on puisse espérer, dans l’état actuel des esprits, des nationalités balkaniques, serait la conclusion d’une alliance défensive entre la Turquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, le Monténégro et la Grèce. Peut-être les Etats alliés pourraient-ils, à la rigueur, arriver à constituer une sorte de commission arbitrale, composée de un ou deux délégués de chaque Etat et destinée à trancher les difficultés de nationalité ou de frontière qui surgissent si souvent dans la péninsule et qui, à chaque moment, — comme il est arrivé récemment pour les incidens de frontière entre Turcs et Bulgares, — menacent de dégénérer en une guerre générale. Une alliance défensive de cette nature serait un premier pas vers la réalisation du programme : « Les Balkans aux peuples balkaniques ; » elle permettrait, dans une certaine mesure, d’écarter les influences, tout au moins les interventions étrangères.

Ces interventions, les peuples balkaniques en ont parfois souffert ; mais il faut bien reconnaître que, sans elles, la plupart d’entre eux seraient encore soumis aux Turcs. La protection d’une nation étrangère, au cas où elle pourrait être désintéressée, serait peut-être le seul moyen efficace de promouvoir la formation d’une Confédération ou d’une alliance balkanique ; parmi ces populations surexcitées, elle jouerait le rôle de gendarme et d’arbitre. Ainsi Napoléon s’intitulait Protecteur de la Confédération du Rhin, Médiateur de la Confédération suisse. Mais, en pareille occurrence, il arrive généralement que Protecteur ou Médiateur devient bien vite synonyme de maître. Ainsi adviendrait-il de l’Empereur italien que Un Latin voudrait donner comme chef à la confédération orientale de ses rêves. La solution qu’il propose, comme toutes celles de même nature, aurait pu être théoriquement acceptable dans une Europe orientale d’où les Turcs auraient été chassés : l’arbitre étranger aurait alors servi à mettre d’accord les petits Etats chrétiens et à régler amiablement leurs litiges. Elle ne serait plus possible en présence d’un grand Empire comme la Turquie, bailleurs, pour être un arbitre impartial, l’Italie est trop proche de l’Orient balkanique ; en voulant l’introduire dans les Balkans, le Roumain qui signe