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profitent. Vienne, en 1885, oblige Belgrade à la guerre. Serbes et Bulgares, durant la crise macédonienne, se disputent Uskub et une partie du vilayet de Kossovo ; leurs propagandes se font échec, leurs bandes s’entretuent, cependant qu’Uskub reste aux Turcs ! Pour tel village de Macédoine, qui était avant-hier patriarchiste grec, hier exarchiste bulgare, et qui se déclare aujourd’hui patriarchiste serbe, voilà les passions déchaînées ; les imaginations partent en guerre : les Bulgares parlent de conquérir Pirot et Nisch, les Serbes refont l’Empire de Douchan. Heureusement, ces Gascons du Danube sont, comme ceux de chez nous, des têtes froides. Depuis cinq ans, malgré des traverses et des difficultés, les relations vont s’améliorant. En 1905, les Serbes prennent l’initiative d’une union douanière que le Sobranié de Sofia repousse : la question de Macédoine est alors trop aiguë pour permettre une entente sincère ; peut-être aussi faut-il ménager telle ou telle grande puissance dont le concours pourrait devenir nécessaire et à qui l’accord des deux pays porterait ombrage. En octobre 1908, la Bulgarie proclame son indépendance ; c’est un événement que la Serbie regarde comme légitime ; elle regrette seulement que la coïncidence avec l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, si douloureuse au nationalisme serbe, permette de croire à un accord préalable entre Vienne et Sofia. La crise apaisée, le rapprochement s’est opéré. La Serbie, plus que jamais, sent le besoin de ne pas rester isolée ; elle cherche anxieusement de quel côté s’ouvrira pour elle le chemin de l’avenir. Le roi des Bulgares, le 28 octobre 1909, fait une excursion en Serbie ; il y rencontre le prince héritier ; des paroles de sympathie sont échangées. Le 26 novembre, nouvelle rencontre à Belgrade ; les deux souverains échangent des visites. En même temps, l’idée d’une confédération balkanique fait du chemin dans les esprits ; la presse la discute. Elle pourrait commencer par une alliance serbo-bulgare. Certains patriotes serbes seraient, dit-on, prêts aux plus grands sacrifices pour que leur pays ne reste pas dans son isolement en face d’une Autriche menaçante. Les uns se résigneraient à accepter la « solution autrichienne, » c’est-à-dire la Serbie allant, de son plein gré, se réunir, sous le sceptre des Habsbourg, avec le groupe des Slaves du Sud déjà englobés dans l’Empire. D’autres préféreraient la « solution bulgare ; » ils entrevoient une alliance rendue plus étroite par une union personnelle : deux couronnes sur une seule tête,