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ville, l’autre à la campagne, dirigés par Carmontelle, le grand faiseur de proverbes, peintre moraliste en détrempe ; décorations d’un goût parfait, tentures de taffetas rose relevées d’un galon d’argent, magnifique jardin d’hiver : présidens de parlement, cordons bleus, ministres, princes du sang, occupent les meilleures places. Le Roi, après une représentation à la Cour, accorda une pension de quinze cents livres à la Guimard : « Je l’accepte, dit-elle à ses amis, à cause de la main dont elle vient, car c’est une goutte d’eau dans la mer : c’est à peine de quoi payer le moucheur de chandelles de mon théâtre. » La Reine l’appelle à ses conseils de toilette, et les Mémoires du temps affirment, qu’ayant été envoyée au For-l’Evêque pour une escapade assez sérieuse, elle n’eut qu’à écrire à Marie-Antoinette qu’elle venait d’imaginer une nouvelle manière d’échafauder les cheveux, pour être mise en liberté le soir même. Si beaucoup de ces dames estiment qu’on ne doit point penser au mariage par respect pour l’amour, d’autres, plus sensibles aux réalités positives, demandent au sacrement le décor de la considération. Le comte de Clermont, arrière-petit-fils du grand Condé, après avoir passé, sans le moindre mystère, de la duchesse de Bouillon à la Quoniam, de la Quoniam à la Camargo, cette admirable gigoteuse, grande croqueuse d’entrechats, finit par s’embarquer dans un faux ménage avec la Leduc qu’il fait marquise, et finit par l’épouser… secrètement, car il était abbé de Saint-Germain-des-Prés, en même temps que général, académicien et grand maître de la franc-maçonnerie. Et l’Altesse Leduc passe les trois quarts de l’année à Berny, fait les honneurs de la table, dirige le théâtre du prince, tient une petite cour.

Le comte de Mercy-Argenteau, ambassadeur de Marie-Thérèse, épouse Mlle Levasseur ; Lolotte Gaucher, devenue comtesse d’Hérouville, eut un salon distingué ; la Saint-Huberty, mariée au comte d’Entraigues, reçut du Comte de Provence le cordon de Saint-Michel, ordre qu’une seule femme avant elle, Marie-Anne Quinault, avait porté.

Comédienne assez ordinaire sur les planches, artiste admirable sur la scène du monde, Marie-Anne Quinault, après avoir plu à Samuel Bernard, au marquis de Nesle, au Duc d’Orléans, fut aimée du duc de Nevers qui l’épousa en secret ; elle eut le tact de refuser la publication du mariage, et les enfans du duc lui en surent un gré infini. Elle fait avec un art exquis les honneurs