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ma rencontre le surlendemain, à Sissaghouri ; me plaira-t-il alors de continuer directement jusqu’à Katmandou ? Certes oui.

C’est parfait, mais je ne puis remercier le colonel par dépêche ; le gouvernement népalais est trop ombrageux pour admettre un contact avec l’administration anglaise. Les lettres circulent dans l’Etat avec les timbres indigènes et prennent à la frontière les timbres anglais. Le télégraphe n’existe pas au Népal ; lettres et messages télégraphiques sont apportés matin et soir à Raxaoul, ou bien par courrier spécial en cas d’urgence, en vingt-quatre heures de route, par le moyen de douze coureurs successifs, des oulaks qui, secouant le bâton chargé de grelots pour éloigner tout obstacle et chasser les fauves, ne s’arrêtent qu’aux relais. On raconte que les salves de canon en l’honneur du couronnement d’Edouard VII ont été tirées au jour tout d’abord fixé, bien que la maladie du Roi ait fait différer la cérémonie ; mais le Durbar n’ayant été avisé de cette remise qu’après coup, tint la politesse pour faite.

Le Maharaja s’oppose à toute mainmise de l’administration anglaise ; il ne veut pas non plus que, sous prétexte de sport et de villégiature, son pays ait le sort du Kachmir. Lorsque je suis allée à Srinagar, il y a quinze ans, sauf deux ou trois fonctionnaires attitrés dans le Protectorat et que le Maharaja logeait dans des maisons à lui, les Anglais n’avaient le droit ni de posséder un lopin de terre, ni d’avoir pignon sur rue ; ils ne pouvaient habiter sous des toits et devaient vivre en nomades, soit sous la tente, soit à bord de bateaux-maisons flottant sur le grand fleuve Djhilam, ou amarrés sur les lacs splendides qui font de ce pays une merveille sans égale. Le climat, à 1 800 mètres d’altitude, est délicieux ; aussi les Anglais sont-ils accourus nombreux. Des hôtels et des bungalows se sont maintenant construits sur les montagnes avoisinant la capitale, et Srinagar et la « Vallée heureuse » sont devenues « ville et stations de santé, » d’autant plus facilement que beaucoup de fonctionnaires de l’Inde, pour économiser la dépense, toujours à leur charge, des voyages dans la Mère patrie, passent leur congé en cure d’altitude. Le Népal leur offrirait les sites pittoresques et les nids d’aigles qu’ils affectionnent pour leur santé.

La difficulté de la langue commence à se faire sentir et complique un peu les choses. Tout le monde ne va plus parler que les langues népalaises. Seuls l’Havildar, le plus haut