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que sous mon petit-fils ! » Prithi Narayan mourut en 1775.

Il eut pour successeur son fils. Son règne ne dura que trois ans (1775-1778) pendant lesquels il se préoccupa surtout de réconcilier sa race avec les dieux de son pays. Il leur offrit en sacrifice 125 000 animaux et mourut en laissant un fils au berceau. Alors commence pour le Népal l’ère des longues minorités et des régences sanglantes ; sous une série, de rois caducs, deux dans ennemis se disputeront les réalités du pouvoir. La prépondérance des Panré et des Thapa se décidera dans d’effroyables tragédies de palais où viendront se dénouer, avec le koukhri[1], les intrigues ourdies au harem, par des mains de femmes, reines ou concubines.

Ces rois, ombres pitoyables du conquérant Gourkha, livrés aux vices savamment gradués qui dévorent les dynasties asiatiques, mais que fait durer cependant le prestige sacré de la fonction, détiennent le symbole de la puissance souveraine : le sceau rouge nécessaire pour donner l’investiture à tout fonctionnaire, depuis le premier ministre jusqu’au simple soldat. Toutes les charges publiques sont conférées pour un an seulement. Le directeur spirituel du Roi, le Raja-Gourou, juge des fautes rituelles et dispensateur des peines et amendes dont bénéficient les Brahmanes et lui-même, est le seul personnage qui ne soit pas soumis à la règle générale.

À l’automne, une commission désignée par le Roi révise la liste de tous les emplois, recrute l’armée, pourvoit à tous les postes. L’exclusion des uns permet l’admission des autres, le renouvellement très partiel, en réalité, du personnel apaise chroniquement quelques appétits. Cette coutume, survivance de l’esprit féodal, stimule les zèles, mais complique l’art de l’intrigue. Elle met le premier ministre, entre les mains de qui sont concentrés tous les pouvoirs, à la merci d’un caprice ; ne pouvant peser sur la raison du souverain, il veille sur son sérail où s’élaborent et s’accumulent les mobiles obscurs qui dictent la signature annuelle. C’est ainsi que, pendant près de cent ans, la volonté débile des rois fainéans a donné périodiquement mandat d’agir à des sortes de maires du palais, dont la volonté énergique a seule rempli d’événemens l’histoire moderne du Népal.

Cependant, le petit-fils de Prithi Narayan, dans lequel ses

  1. Coutelas népalais, toujours en usage.