Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 57.djvu/903

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite les porter également à leurs chefs respectifs. La Dessera, la Dourga-Pouja des Indes, la fête de la sanguinaire déesse, qui commémore sa victoire sur l’un des plus puissans démons, est aussi une fête militaire qui sera célébrée par une « grande parade » et une hécatombe de buffles, moins fameuse que celle du temps de Jang Bahadour, où neuf mille têtes furent abattues.

Chez les Népalais le jeu est une passion héréditaire, répandue d’ailleurs en Extrême-Orient, mais que l’on prétend enrayer par des mesures restrictives. Il est exceptionnellement autorisé pendant ces dix jours, mais en plein air, publiquement, sous les yeux de tous et mise sur table, ou plus exactement par terre, avant la partie. On cite de terribles histoires de main coupée, jetée comme enjeu. L’adversaire devait tenir le coup ou rendre l’argent. Quelques tolérances de vingt-quatre heures se trouvent encore à l’occasion des plus considérables de ces multiples fêtes qui absorbent une bonne partie de l’existence hindoue.

Au printemps, la yatra, la procession de Matsyendra Natha, ouvre l’année religieuse et demande la pluie et le renouveau de toute la nature ; l’été a lieu la fête des serpens que la tradition locale rattache à la lutte de Garouda et des Nagas, et c’est tellement exact qu’en cette chaude saison pluvieuse, le bronze de la statue de Garouda que je verrai à Ghangou Narayan, transpire à l’anniversaire du combat. Un mouchoir dont on la essuyé est remis au Roi : trempé dans l’eau, un seul de ses fils suffit, d’après la légende, à guérir de la piqûre des serpens. L’anniversaire de la prise de Katmandou ne saurait être oublié des glorieux Gourkhas ; il trouve naturellement sa place au temps de l’Indra yatra, puisque Prithi Narayan avait profité de l’orgie nocturne qui précède la procession de la Kumari pour pénétrer dans la ville. Tout est prétexte à réjouissance ; il y a les fêtes des frères, des parens, des corporations, des chiens, des vaches, des buffles où les quadrupèdes se voient abondamment fleuris dans ce pays des fleurs. A la fête des chiens, le paria ne doit pas être insulté dans la rue. Suprême injure ! Pour Sarasvati, la déesse de la sagesse et de la science, protectrice de Katmandou, les plumes, ealams, les encriers, les livres sont mis au repos et parés de fleurs. Contribuer aux fêtes compte dans les devoirs rituels ; les Brahmanes en ont toujours leur part et de Raja-Gourou, directeur spirituel du Roi, en est le grand juge. Jadis les sacrifices humains y ont joué leur rôle ; on raconte que Prithi