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ramené à 5 180 millions. Les Anglais nous dépasseraient alors de 23 pour 100. Mais les donations sont bien moins importantes que chez nous en Angleterre, où la constitution de dots aux enfans est beaucoup plus rare ; elles ne représentent sans doute pas plus de la moitié de notre milliard. Dans ces conditions, l’écart tombe à 17 pour 100, et, comme la population du Royaume-Uni dépasse la nôtre de 13 pour 100, la différence de l’annuité de dévolution devient insignifiante. On sait avec quelle sévérité l’impôt successoral est perçu en Angleterre : il y a là une preuve indirecte de la correction du contribuable français.

L’application en France de la loi d’avril 1910 aura pour résultat d’opérer un prélèvement moyen de 6 pour 100 sur le capital transmis : 6 pour 100, c’est-à-dire deux années de revenu, puisque 3 pour 100 est le taux de notre rente, de beaucoup de nos grandes valeurs de placement, du rendement net de la terre, qui, dans beaucoup de cas, ne rapporte même pas cela à son propriétaire. Or les économistes s’accordent à penser qu’il est déraisonnable de saisir plus d’une année de revenu : on voit combien la mesure est déjà dépassée.

Nous examinerons maintenant le pays qui a été l’initiateur de toute cette législation moderne sur les successions, c’est-à-dire l’Angleterre. Ici nous remonterons beaucoup moins loin qu’en France et nous n’irons pas au-delà de 1894. Antérieurement à cette date, il existait cinq droits divers, qui présentaient la complication chère à nos voisins, et dont l’effet général était de favoriser la propriété immobilière par rapport à la fortune mobilière. C’était une organisation inverse de celle qui a régné longtemps en France, où nous avons vu que, pendant un demi-siècle, les meubles étaient infiniment moins taxés que les biens fonds. L’influence autrefois dominante de l’aristocratie terrienne dans la conduite des affaires britanniques s’était fait sentir là comme en beaucoup d’autres points de la législation.

Lorsqu’en 1894 sir William Harcourt, chancelier de l’Echiquier, opéra la réforme, dont l’un des buts était de rétablir l’égalité entre la propriété mobilière et la propriété immobilière, il prononça une phrase restée célèbre : « Le principe directeur est que sur toute dévolution de propriété l’Etat doit prélever sa part avant tout héritier, avant tout bénéficiaire. La raison d’être de ce principe est simple. Le titre que l’Etat possède sur la propriété accumulée du défunt est antérieur à tout autre. La