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intentions générales sont excellentes et, sur bien des points, l’accord pourra se faire, si le gouvernement a voulu proposer des questions à étudier plutôt que des solutions à accepter telles quelles. Les questions sont bien celles dont l’opinion publique se préoccupe, mais les solutions indiquées, ou plutôt esquissées, ne sont pas encore assez précises pour qu’on puisse les juger en pleine connaissance de cause. Le gouvernement annonce des projets de loi : attendons-les et contentons-nous, pour le moment, d’apprécier dans son ensemble le document ministériel. Il y a peut-être un moyen, tout empirique à la vérité et dont on ne doit user qu’à titre provisoire, de savoir ce qu’il convient d’en penser ; c’est de se demander ce qu’en ont pensé les autres. Les partis avancés à droite et à gauche, — surtout à gauche, — l’ont mal accueilli, et la lecture qu’en a faite M. le président du Conseil s’est terminée au milieu du bruit. En revanche, il a été très applaudi par le centre et par la partie de la gauche qui s’en rapproche. Le ton toujours modéré et courtois de la déclaration, les appels à l’apaisement qui y faisaient écho au discours de Périgueux, renonciation de réformes qui, le plus souvent, avaient pour objet de faciliter aux ouvriers l’accès de la propriété, devaient déplaire aux socialistes : on leur vole leurs adhérens, si on en fait des propriétaires. Enfin, comment les radicaux formés à l’école de M. Combes auraient-ils été satisfaits d’une conclusion comme celle-ci : « Sans qu’il puisse être question d’ostracisme, on ne saurait cependant, pour constituer une majorité, se laisser guider simplement par la sympathie et l’estime qu’inspirent les personnes, ni s’arrêter à des considérations de sentiment. C’est au nom du programme développé par nous, dans les limites des principes d’ordre et de progrès par nous affirmés et sous la préoccupation constante des intérêts supérieurs de la patrie, que nous nous tournons vers les hommes de bonne volonté, vers ceux qui aiment ardemment la République et entendent la servir sans arrière-pensée, sans rien nier de son œuvre dans le passé, en s’associant pour l’avenir à toutes les espérances qu’elle porte en germe, et que nous les convions à dégager de leurs rangs une majorité. » Convier toutes les bonnes volontés à s’unir sur le terrain de la République est une idée qui ne serait pas venue à M. Combes, et d’ailleurs ni M. Pelletan, ni M. le général André, ni quelques autres de ses ministres ne l’auraient permis. Il y avait, sous leur règne, des amis et des ennemis du gouvernement, qui veillaient soigneusement à l’entretien des barrières destinées à les séparer éternellement les uns des autres. M. Briand, au contraire, présente un