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programme et demande, en dehors de toute acception de personnes, qui veut s’y rallier et le défendre. Il ne repousse aucun concours, il ne prononce d’avance aucune excommunication : cela est nouveau et fait plaisir, mais non pas à tout le monde.

Nous avons dit qu’il y avait beaucoup de choses dans la déclaration. Quelque confiance qu’ait M. le président du Conseil dans les hautes qualités et facultés politiques de la nouvelle assemblée, croit-il qu’elle puisse, en quatre ans, accomplir toute l’œuvre qu’il lui assigne ? Non, sans doute ; il y a un choix à faire parmi tant de projets, et ce choix est même indispensable si on veut sérieusement en réaliser quelques-uns. Il nous faudrait plus d’une chronique pour parler de tous, même superficiellement : contentons-nous d’en indiquer quelques-uns. Après un préambule consacré à des considérations de morale politique qui ne sont pas sans intérêt, la déclaration en vient au fait, et la première question qu’elle rencontre est naturellement la réforme électorale. Elle s’impose, le gouvernement ne le conteste pas ; mais comment convient-il de la faire ? Ici, la déclaration se perd dans le vague, et la pensée ministérielle risquerait fort de rester incomprise si des notes officieuses, communiquées à la presse, ne l’avaient pas un peu éclairée. Malheureusement, elle n’y a gagné qu’en clarté, et cette clarté a suffi pour provoquer une opposition à peu près générale. Sous prétexte qu’il ne faut pas sacrifier la majorité à la minorité, ce qui va de soi, le gouvernement s’est surtout préoccupé de fortifier la première au détriment de la seconde, et il a si bien cédé à cette préoccupation que, si son projet était adopté, la minorité serait moins représentée demain qu’elle ne l’est aujourd’hui. Les partisans de la représentation proportionnelle poursuivent la réalisation d’une idée de justice ; ils demandent que la majorité et la minorité aient chacune ce qui lui est dû d’après leurs proportions réelles dans le pays ; le gouvernement propose, au contraire, de donner à la majorité plus que ce qui lui est dû et moins à la minorité. Appeler cela représentation proportionnelle est un non-sens, pour ne pas dire un mensonge. Au surplus, le nom importe peu ; la chose seule est intéressante, mais elle est peu engageante dans les conditions où le gouvernement la présente, et il y a lieu de craindre que personne n’en veuille. Est-ce là le but secret de M. le président du Conseil ? On pourrait le croire, mais nous ne le croyons pas. Il a le sentiment que le pays tient à la réforme, et la preuve qu’il y tient lui-même est qu’il cherche à allécher la Chambre par les avantages qu’il lui offre à côté.