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exposée ? Leur influence n’est déjà que trop funeste pour l’enfant que surveille la sollicitude attentive de la famille. Comment y échappera l’enfant du pauvre que le travail de ses parens, loin du domicile familial, abandonne si souvent aux tentations de la rue. Ecoutez ce qu’en a dit, dans une conférence tenue le 4 février 1906, à la Sorbonne, M. Ferdinand Buisson dont je suis loin de partager toutes les opinions, mais dont la fermeté sur cette question ne peut être trop louée. « Hélas ! à côté de ces enfans privilégiés, il y a ceux que personne n’accompagne, qui s’en vont tout seuls, n’ayant à côté d’eux, pour les défendre des tentations de la rue, ni un précepteur, ni un père ou une mère, les enfans du peuple qui, dès l’âge de douze ou treize ans, sont obligés d’aller gagner leur vie… Ce n’est pas impunément qu’on livre cette masse d’enfans pauvres, — et c’est la grande majorité, — aux influences de perversion… Comment voulez-vous que ce petit Parisien, dont on dit qu’il est débrouillard, ne subisse pas l’attrait mauvais de tant d’illustrations pornographiques qui le poursuivent et qui lui en apprennent vite plus qu’il ne faudrait. Et vous voulez que nous passions indifférens ou dédaigneux, souriant d’un fin sourire, quand nous voyons l’impression produite sur les sens et sur le cœur de cette pauvre jeunesse prolétaire par ces leçons calculées de démoralisation, dont nous ne prévoyons que trop les effets prochains !… Il faut pourtant avoir le courage de voir ce qui est. Dans une ville comme Paris, il y a dans la jeunesse, dans l’adolescence, un immense déchet, dû à une augmentation sensible de la démoralisation juvénile. Ces milliers d’enfans, — car ce sont encore des enfans pour la plupart, — qui vont devenir, les uns des voyous et des souteneurs, les autres des prostituées précoces, comment se sont-ils dépravés ? Car ils n’étaient pas plus que les autres prédestinés au mal. Au lieu de les accabler de votre mépris, demandez-vous donc comment ils se sont formés à cet apprentissage abject du vice, peut-être du crime. Et il vous sera difficile de nier que l’excitation pornographique a été pour beaucoup dans leur initiation, et les a préparés en riant aux pires déchéances peut-être. »

Et la femme. Se rend-on compte du tort douloureux que font ces exhibitions et cette littérature à la femme honnête ? Non seulement elles l’outragent dans ses sentimens de conscience et de pudeur les plus intimes, non seulement elles l’obligent à