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Provence, on n’aura que l’embarras du choix entre les quatre communes du sommet de la vallée, Saint-Paul, Meyronnes, Larche et la Condamine, pour vérifier que les alpages qui leur sont livrés ne périclitent en aucune façon et qu’ils sont même fort beaux. De Barcelonnette, on visiterait le Riou-Bourdoux et ses voisins, les premiers torrens énergiquement attaqués, dont le régime est un enseignement identique à celui qu’on aura déjà puisé en Savoie. On gravira les crêtes du Sud-Est du col de Valgelaye d’où l’on domine la vallée du Verdon où ont été achetés par l’Etat 25 000 hectares d’anciens pâturages communaux ou particuliers. Ces acquisitions étaient-elles nécessaires ? ces pâturages dégradés ? Leur boisement est-il possible et avantageux ? N’y aurait-il pas lieu plutôt d’en restituer l’usage, en partie au moins, aux bergers de la Crau qui les réclament et de les leur louer sous condition d’une réglementation parfaite ? On s’édifiera aisément sur ces capitales questions. De l’Ubaye, on passerait dans les vallées de la Blanche et de la Bléone. A Seyne, un joli boisement d’une ancienne montagne pastorale fera ressortir quels services les périmètres gazonnés sous bois, comme l’est celui-là, rendraient à l’œuvre de la réglementation des pâturages, en offrant aux troupeaux beaucoup plus d’herbe qu’il n’en faut pour compenser les restrictions que réclamerait pendant quelque temps l’exploitation des montagnes environnantes, si on projetait de les améliorer. A 1 500 mètres avant d’arriver au Brusquet, on admirera le périmètre de Curusquet, où, sur des marnes calcaires noires et nues d’aspect affreux, on est parvenu à créer avec le pin un site verdoyant. On ira à Vergons, commune enclavée dans une petite vallée, affluente de la rive gauche du Verdon, non loin de Castellane, où s’étale, face au Midi, un boisement superbe réalisé en des conditions très difficiles, et face au Nord, tout près du village, un pâturage boisé non soumis au régime forestier, dans lequel, malgré le pâturage constant d’animaux de toutes espèces, une forêt de mélèzes s’est créée, s’exploite et se régénère sans interruption.

On viendra en Crau constater l’impossibilité où se trouve ce diluvium du Rhône de se passer de la transhumance alpestre et l’intérêt économique supérieur qui exige le maintien de cette coutume. On reconnaîtra en même temps la bonne éducation de ses bergers et leur aptitude à appliquer en montagne les méthodes et les procédés culturaux les meilleurs.