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serré ; mais le parfait sang-froid de M. Briand a fait perdre contenance à ses interrogateurs ; ils ont bravement battu en retraite devant lui et n’ont pas cru pouvoir lui refuser une demi-confiance, avec laquelle il a fort bien vécu jusqu’aux élections. Nous venons d’avoir une sorte de recommencement des mêmes opérations. On avait annoncé que, cette fois, M. Berteaux interpellerait en personne et que l’assaut serait des plus sérieux. On faisait parler d’avance M. Berteaux ; peut-être lui attribuait-on des intentions qui n’étaient pas les siennes ; mais, si ce n’étaient pas tout à fait les siennes, c’étaient celles de son parti et elles n’en étaient pas moins significatives. M. Berteaux devait donc demander à M. Briand avec qui et contre qui il se proposait de gouverner ; mais il s’est arrêté à moitié route et son discours a été une déception. S’il a demandé, en termes assez vagues, avec qui M. Briand comptait gouverner, il n’a pas osé demander contre qui il le ferait, et il a suffi à M. le président du Conseil de faire, par voie d’interruption, des demi-réponses à demi satisfaisantes pour que M. Berteaux s’en soit déclaré complètement satisfait. — Je m’expliquerai plus tard complètement, a dit M. Briand, et j’aurai, moi aussi, ma crise de sincérité. — Tout s’est provisoirement terminé par un baiser Lamourette, qui n’était pas exempt de quelque grimace dont la galerie a pu s’amuser. M. Cruppi a repris les armes tombées des mains de M. Berteaux et les a maniées avec plus d’habileté et de souplesse, se contentant toutefois de désigner sur la poitrine de M. Briand les points où il l’attaquerait avec plus de vigueur quand l’heure en serait venue. Son discours n’a pas manqué d’esprit, mais il ne pouvait avoir et il n’a eu aucune portée immédiate. Entre temps, M. Deschanel a prononcé, avec un talent que les Chambres précédentes ont souvent applaudi et dont la Chambre nouvelle a très vivement joui, un discours excellent. Il a parlé avec une fermeté et une sobriété dont l’effet a été très grand, ramenant la Chambre aux questions essentielles qui sont aujourd’hui la réforme électorale et demain la réforme administrative. On avait si fort battu les buissons depuis quelques jours, sans d’ailleurs en faire sortir aucun gibier, que la Chambre, heureuse du changement qui la mettait en présence d’une pensée substantielle exprimée en termes précis, a fait à l’orateur le plus brillant et le plus légitime succès.

Nous avons dit que la discussion avait commencé par plusieurs discours socialistes. On a successivement entendu un unifié sorti de l’École normale, M. Thomas, un socialiste agraire, M. Brizon, un membre de la Confédération générale du Travail, M. Lauche. Leurs