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par de nouveaux combats, est maîtresse de l’Angleterre et de la France anglaise, quand Jeanne d’Arc est amenée à Rouen. A ses yeux, Jeanne d’Arc, avec sa réclamation constante de l’inspiration directe, est une Lollard. D’autre part, puisque cette Pucelle avait soulevé le sentiment national français, et que sa venue détruisait le prestige lancastrien, il n’y avait qu’une issue à sa capture, la mort et, si possible, la mort flétrie et déshonorée. Tout le tourment du passé, toute l’anxiété de l’avenir tournaient en fureur et mettaient la torche au bûcher. La logique du système aboutissait à cette heure de Rouen, vengeresse de l’heure d’Orléans.

Il y avait dix ans que les Anglais avaient pris la ville de Rouen après un siège mémorable. Pour ne laisser aucun doute sur le caractère de sa future domination, Henri V avait fait exécuter, d’abord, le glorieux défenseur de la cité, Alain Blanchard. Puis, on avait travaillé, moitié par force, moitié par tempérament, à s’assurer la province et la capitale. En somme, après dix ans, le résultat paraît suffisant pour que le jeune roi Henri VI, précisément au temps de Jeanne d’Arc, se hasarde en son « héritage. »

C’était un enfant de neuf ans, délicat et tendre, mais marqué du signe fatal. Unissant mal, en sa personne frôle, les deux sangs rivaux de son père et de sa mère, le prince anglais et la princesse française, la bataille séculaire se poursuivait en lui. Il était arrivé à Rouen, le 29 juillet 1430 ; on le fit loger dans ce même château de Bouvreuil où Jeanne d’Arc fut, bientôt après, retenue prisonnière. Extraordinaire rencontre, annoncée par elle. Il devait rester à Rouen pendant tout le temps du procès et n’en quitter qu’en novembre de l’année suivante, pour aller se faire couronner à Paris, de la main des évêques, Cauchon, Luxembourg, de Mailly, qui avaient condamné Jeanne d’Arc. Mais ce n’est pas lui qui règne. L’oligarchie lancastrienne veille, et les deux hommes surtout qui sont sur le pavois.

A la mort de Henri V, l’autorité avait passé, d’un commun accord, entre les mains d’un conseil, composé de grands seigneurs et de hauts prélats représentant l’aristocratie, et présida par Henri Beauforl, évêque de Winchester, fils légitime de Jean de Gand et de Catherine Swynford[1]. Celui-ci est donc le

  1. Green, Histoire du peuple anglais (t. I, p. 311).