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aux procès-verbaux des noms, qu’il eût mieux valu laisser dans l’oubli auquel ils étaient destinés. Trente-quatre d’entre eux prirent part aux délibérations. Trois doivent être notés : Erart, prêtre séculier du diocèse de Langres, maître ès arts de l’Université de Paris, chanoine de Laon et de Beauvais, qui dut probablement à cette dernière fonction d’être désigné par Pierre Cauchon, dont il était l’ami intime, pour prononcer le sermon, le 24 mai, sur la place de Saint-Ouen, le jour de la comédie de l’abjuration. Il prit pour texte le passage de saint Jean : Une branche ne peut porter fruit si elle ne reste attachée à la vigne, et sa harangue fut d’une violence insigne. Jeanne d’Arc, du haut de l’échafaud, le rabroua vivement. Erart resta attaché à la fortune de Pierre Cauchon ; il assista avec lui au congrès d’Arras. Il devint chantre de l’église de Rouen et vicaire de l’archevêque. C’était une manière de personnage. Il mourut en Angleterre, doyen du chapitre de Rouen, vers 1439. Il ne faut pas le confondre avec un autre assesseur, portant à peu près le même nom, Guillaume Evrard, qui fut l’une des lumières de l’Eglise gallicane, « un des premiers hommes de son temps, » recteur de l’Université, restaurateur des études du collège de Navarre, qui n’assista qu’à une seule des séances du procès et partit aussitôt pour le Concile de Bâle[1].

Un jeune bachelier, dominicain, frère Martin Ladvenu, est célèbre pour avoir confessé Jeanne, l’avoir accompagnée et soutenue jusqu’au bûcher. Il avait, cependant, adhéré à la condamnation, le 19 mai et le 29 mai. C’est lui qui chargea le plus Cauchon et les Anglais dans sa double déposition en 1450 et en 1452, au procès de réhabilitation, où il est qualifié « spécial confesseur et conducteur de la dicte Jehanne en ses derniers jours. » (Procès, II, 7.) Il était secondé, auprès de Jeanne, par un autre religieux, du même ordre et du même couvent, qui, comme lui, s’était prononcé, à double reprise, pour la condamnation, mais qui assista également Jeanne d’Arc et lui fut d’un réel réconfort, Isambart de la Pierre. C’est lui qui conseilla à Jeanne le recours au Pape et au Concile. A l’audience, il essayait de lui dicter des réponses favorables en lui faisant des signes, jusqu’à mettre en fureur l’évêque Cauchon. Isambart de la Pierre et Martin Ladvenu sont les figures sympathiques

  1. Voyez Beaurepaire, Note sur les juges et assesseurs (p. 33) et Denille et Châtelain, loc. cit. (p. 26 et 29).