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et le plus souvent. Après avoir participé à toute la procédure, s’être prononcé pour les partis les plus rigoureux, il est un de ceux qui vont à Paris pour obtenir le décret de l’Université ; de retour, c’est lui qui reçoit la mission de « prêcher Jeanne, » le jour du supplice. Et il ne trouve, devant cette femme qui va mourir, que des paroles de violence et d’outrage. Il parle pour les Anglais qui le tiennent en laisse avec son récent canonicat. Aussitôt après le procès, il part pour Bâle, où il figure, comme recteur de l’Université de Louvain (autre récompense, obtenue de la faveur du Duc de Bourgogne). Mais sa carrière est interrompue : il est frappé de la lèpre ; il est obligé de reconnaître, dans une pétition au pape Eugène IV, qu’il ne peut plus toucher la sainte hostie ni accomplir les fonctions de son canonicat sans faire scandale ; mais il est toujours apte à toucher la pension : « pensione sibi reservata. » Il traîna, longtemps, une vie misérable, perdue, sans doute, sous la cagoule de quelque léproserie.

Le sixième des grands universitaires est Maurice Beaupère, Pulchri Patris. Celui-ci n’a ni l’âpreté de Nicolas Midy, ni la science de Thomas de Courcelles ; mais il a plus d’allure. C’est un homme très illustre et de grande autorité, un « professeur insigne, » eximiæ sacrée theologiœ professor (Procès, I, 50), membre vénéré des deux conciles, Constance et Bâle. Il était recteur de l’Université avant 1413. Attaché, de bonne heure, au parti anglais et bourguignon, il est chargé par l’Université « de donner aide et conseil » au pauvre Charles VI, en 1419, dans la triste affaire du traité de Troyes. Il travaille, dès lors, avec P. Cauchon. Ayant rompu avec le pacte national, il fait carrière par les Anglais qui lui attribuent, comme à son camarade Midy, l’un des canonicats de Rouen en 1430. Il vient en prendre possession en même temps qu’il siège au procès de Jeanne d’Arc. Midy était lépreux ; Beaupère était manchot de la main droite, et ne pouvait, non plus, remplir les devoirs de ses bénéfices. Mais la main gauche restait bonne pour recevoir l’argent. Il obtint une dispense du pape Martin V et en profita pour faire rafle : chanoine de Rouen, Besançon, Sens, Paris, Beauvais, Laon, Autun, Lisieux, archidiacre de Salins, cellerier de Sens, trésorier de Besançon, chapelain de Brie, curé de la paroisse de Grève, chèvecier de Saint-Merri à Paris ; il était, à lui seul, tout un pouillé de bénéfices. La haute confiance qu’on avait en lui