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le Trikanla, un symbole de la Trinité des Bouddhistes, du triple objet de leur vénération : le Bouddha, la Loi, l’Église ; le point central représente Adi-Bouddha, la cause de toutes choses, comme la fleur de lotus qui s’épanouit sur d’autres pierres.

Ce grand tchaitva, que l’on fait remonter au premier ou au second siècle de l’ère chrétienne, recouvre, comme une immense cloche très évasée, le sommet de la montagne. Il est formé du dôme de terre lui-même, revêtu de briques et bordé d’une sorte de haute plinthe reposant sur une étroite terrasse circulaire. Des chapelles encastrées aux quatre points cardinaux enferment des images du Bouddha sous un treillis de cuivre formé d’anneaux qui sont reliés par une fleurette. L’hémisphère est surmonté d’une tour carrée couronnée d’un cône pyramidal.

Sur la large plate-forme, le Devi-mahé, qui fait étinceler dans le soleil couchant l’or de ses toits relevés à la chinoise, voisine avec la grosse tour de Baghouan. L’indigène qui m’accompagne prétend qu’elle a plus de mille ans ! Et partout alentour et sur les pentes mêmes, une centaine de temples grands et petits, variés de forme et d’inspiration. Quelques-uns, en ruines, donnent vie à de grands arbres, tels autres se terminent en linga. C’est que le Bouddhisme se meurt, vaincu par le Brahmanisme dont il est issu et dans lequel il se fond à nouveau ; dans l’Inde, il est depuis longtemps complètement absorbé. Ici, des concessions successives, ont adapté les institutions brahmaniques aux populations bouddhistes et peut-être djaïnes du Népal, car il semble bien que le Djaïnisme ait partagé avec le Bouddhisme son frère la conquête de l’Himalaya[1] ; certains stoupas trahissent nettement l’influence brahmanique. Dans quelques hautes pyramides côtelées dont la brique est revêtue d’un enduit, comme celles que j’apercevrai de-ci, de-là, dans les villes, il me semble retrouver l’influence de ces grands constructeurs djaïnas, qui paraissaient attacher tant de prix à multiplier les sanctuaires. H me souviendra toujours de cette ville qui couvre entièrement le sommet du Satroundjaya dans la presqu’île de Kattivar et qui est tout entière composée de temples, ville de pèlerinage où l’on ne réside pas. Je voyais au matin les fidèles Djaïnes s’y presser en nombre, le bandeau sur la bouche de peur d’aspirer quelque atome vivant.

  1. Selon la tradition Djaïna, le patriarche Bhadrabahu vint au Népal vers le IVe siècle avant J.-C.