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les petites montées. Le soleil brûle, et la brise, au passage des moindres cols, fait plaisir. Encore une petite chaîne au-dessus de Markoukow et nous revoyons le grand pavillon blanc du Maharaja déjà remarqué à l’arrivée. Nous allons plonger vers la prairie qui lui fait ceinture et j’admirerai une seconde fois les vieux bois sculptés de Markou-Dharmsala ; puis nous suivrons la rivière jusqu’au pont de Koulikâna, où pagodes et dharmsalas se pressent au pied du Sissaghuri, la dernière passe qui ferme le Népal. Je revois là, en grand nombre, maisons peinturlurées, minuscules pagodes et images religieuses. Au bout de grandes perches se balance la banderole recouverte de prières, le plus souvent un pauvre chiffon, dont le vent débite les oraisons.

Tandis qu’à reculons et la tête en amont je reprends l’ascension, des coolies montagnards, parmi lesquels des femmes, montent et causent joyeusement derrière moi. C’est une caravane tibétaine. Les femmes qui rient à belles dents sont couvertes de colliers, de bracelets, de beaucoup d’argent et de turquoises. Les hommes eux-mêmes ne se privent pas de bijoux. Un collier me plairait. Tenter le marché, je n’ose ; tout est trop long à faire comprendre et à traiter, et l’heure me presse. A cinq heures seulement nous avons doublé le sommet et nous voici bientôt redescendus au petit bungalow de Sissaghuri appuyé à sa forteresse. Mon bearer, le sourire aux lèvres, m’attend sur la route ; l’eau bout sur un petit feu allumé au pied du mur. Du thé, les reliefs du déjeuner : ce sera tout mon dîner. Il durera un quart d’heure à peine, et nous voici en pleine dégringolade sur des pierres roulantes et coupantes qui contraignent mes hommes à mettre des chaussons de paille ; et en une heure nous sommes à Bhimpodi, au pied de la muraille qui tombe à pic.

Le nouveau service de coolies m’attend là, avec le palki. Mauvaise surprise. On m’a rapporté celui que j’avais refusé au départ de Raxaoul. Ses deux barres de bois pour m’étendre seront dures pendant deux nuits : du fond de cette affreuse boîte, laissant grands ouverts les deux vantaux de côté, je vois, à la nuit tombée, les gens élever devant leurs maisons des sortes de lanternes sphériques en papier huilé ; de petites lumières brillent dans toutes les échoppes et les cases. La fête se poursuit toujours. Puis la campagne recommence, semée d’autres villages, car le pays est très peuplé. Je suis frappée par la circulation intense, même la nuit. Elle a lieu souvent par groupes. La