Restauratrice de l’autorité, restauratrice de l’action individuelle et de la liberté, puissante ouvrière de l’égalité, elle représente le pays de France dans sa phase particulière et dans son sens universel. Par sa vie et par sa mort, reprenant, comme le faisaient les manans, les bourgeois, les soldats, l’étendard tombé à Azincourt, elle le relevait et corrigeait le désordre du royaume, le désordre du siècle.
Il y avait autre chose à corriger, et, quoique ce ne fût pas la « mission » de Jeanne, son action fut telle, qu’à cette autre « pitié, » elle porta aussi remède.
L’Eglise ne fut pas absente du drame. Prélats et docteurs voulurent y figurer ; ils y jouèrent le rôle que l’on sait. Ils intervinrent, non pour prêcher la commisération et la justice en faveur de cette fille, bonne chrétienne et fidèle incomparable, mais pour la frapper et pour l’exclure de l’Eglise et de la vie. Ils sont allés à cette besogne en toute tranquillité : il faut qu’ils aient été destinés à cela et qu’il y ait, à leur erreur, des causes profondes qui leur échappaient à eux-mêmes et que la suite des temps peut seule apercevoir.
L’Eglise de France participait à la détresse matérielle et morale du royaume et ce serait son excuse si elle était excusable. Mais Jeanne en a appelé aux chefs de l’Eglise universelle, au Concile (alors en formation à Bâle), au Pape ; et, de ce sommet de la hiérarchie d’où l’on voit les choses de haut, nulle bienveillance, aucune miséricorde n’est descendue vers elle. Sa cause, pendante devant l’Eglise catholique, a été omise et oubliée.
A cela, il y a une explication trop réelle que révèle l’histoire du temps : pour les contemporains, c’est à peine s’il y avait encore une Eglise, s’il y avait encore une hiérarchie, s’il y avait encore un pape. La robe sans couture était déchirée.
Aujourd’hui, après cinq siècles et un immense effort de reconstitution unitaire, on a oublié, on a voulu oublier ces discordes antiques ; on s’est efforcé d’atténuer cette rupture, on a jeté un voile, on a rétabli, tant bien que mal, la tradition visible de l’Eglise romaine pour effacer les hontes et combler les lacunes de l’histoire pontificale. Le catholicisme, par ces attentions rétrospectives, a proscrit, pour ainsi dire, de ses annales,