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sensationnelles de gros compradores, sont là pour le prouver. L’adage : « Le Chinois ne veut pas perdre sa face » ne s’applique plus au temps présent. Les étrangers habitant la Chine le savent et prennent leurs dispositions en conséquence ; en général, leur affaires sont satisfaisantes, quoique leur situation soit rendue tous les jours plus difficile par une concurrence plus âpre en Extrême-Orient qu’ailleurs. Cette concurrence procure aux Chinois des bénéfices qui disparaîtraient si leurs relations avec les étrangers diminuaient. On peut affirmer que la majorité des commerçans leur est favorable, et prendrait même leur défense, s’il était possible de le faire sans danger. Mais il est une autre catégorie d’Occidentaux sur lesquels la masse concentre son aversion. Ce sont les ingénieurs, directeurs de chemins de fer ou d’usines, les agens des grands établissemens financiers ou industriels. Ils occupent des positions ou des emplois que les Chinois estiment pouvoir tenir aussi bien qu’eux. C’est ainsi qu’en avril le gouvernement a profité du départ de sir Robert Hart, ex-directeur des Douanes impériales, pour essayer de retirer à son successeur, M. Aglen, le droit de nomination du personnel. Le revenu des douanes serait passé dans les mains de l’administration chinoise. Il eût été certainement dilapidé et les emprunts gagés sur ce revenu auraient perdu toute garantie d’intérêts. Les Anglais se sont nettement opposés à cette violation des conventions. Les Chinois tournaient habilement celles-ci en prenant sir Robert Bredon dans leur conseil, comme vérificateur de l’administration ; sous la pression anglaise, il a dû se retirer. Si le gouvernement suivait l’opinion, il n’y aurait bientôt plus un étranger dans un service quelconque ; mais il ne cède que peu à peu, il constate que là où l’étranger disparaît, le service se désorganise et ne laisse bientôt que des ruines. C’est ainsi qu’à l’arsenal de Han-Yen, sur le l’Ang-tze-Kiang, il a été forcé de rappeler un Allemand comme directeur technique, après avoir essayé de n’employer que des Chinois. Cet arsenal pourvu des machines-outils les plus perfectionnées ne produit que 50 fusils par jour et 20 000 cartouches, rendement des plus faibles et très onéreux. Le chemin de fer de Hankow-Pékin, le seul donnant de sérieux bénéfices, est un autre exemple. On se rappelle qu’il a été construit par une société franco-belge. Le gouvernement l’a racheté. Un Chinois en est maintenant l’administrateur. Il a dû maintenir le personnel technique en grande partie français, et