Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier de ces articles ouvrait à l’État la porte de l’école ; le second l’entr’ouvrait à l’Eglise. C’étaient là des indications générales qui demandaient à être appliquées, transformées en règles précises. L’article 26 prévoyait qu’une loi générale sur l’enseignement réglerait tous les multiples détails auxquels donne lieu, dans nos États modernes, le contact et parfois le heurt de ces bruyantes libertés, liberté de l’État, liberté de l’Église, liberté des parens, liberté de l’enfant. Vingt et un ans s’étaient écoulés ; et toute une génération était devenue majeure, sans que la promesse de l’article 26 eût été réalisée. Cependant, à défaut d’une loi, la bureaucratie avait créé certaines mœurs, très conciliantes, très sortables ; l’État s’en remettait, tantôt au prêtre et tantôt au pasteur, du soin d’inspecter l’école ; il la surveillait par l’intermédiaire des Églises : de même que, dans la Constitution, les articles 23 et 24 voisinaient pacifiquement, de même, sous le toit scolaire, l’État et l’Église faisaient bon ménage ; et des pédagogues catholiques comme Kellner préféraient un tel régime à l’épanouissement, sous l’œil indifférent d’un Etat neutre, du droit absolu de tout enseigner.

Mais Bismarck intervint. Les nationaux-libéraux détestaient, pour des raisons philosophiques, l’ascendant des clergés sur l’enseignement primaire ; Bismarck, lui, pour des raisons politiques, détestait le rôle du clergé polonais dans les écoles de Posnanie, de Prusse orientale et de Silésie. Il ne craignit pas de sacrifier à cette préoccupation locale, qu’il qualifiait de nationale, l’harmonie entre l’Église et l’École, comme six mois avant, des considérations à demi personnelles, à demi polonaises, l’avaient conduit à supprimer la « division catholique, » organe d’entente entre l’épiscopat et le ministère. Il donna l’ordre à son ministre Mühler de déposer un projet d’après lequel les inspecteurs scolaires étaient expressément nommés par l’Etat, affectés à une circonscription que l’État délimitait, et révocables par l’État. Le 14 décembre 1871, Mühler obéit : on ne résistait pas au chef, lorsqu’il s’agissait de frapper des Polonais.

Les nationaux-libéraux se réjouissaient : l’heure s’approchait où le prêtre et le pasteur, messagers autoritaires de ces orthodoxies qu’ils abhorraient, disparaîtraient de l’École. Cette allégresse même tenait Mühler en éveil, et, tout de suite, pour humilier les ennemis de Dieu, il élabora une loi générale sur l’enseignement, et y proclama d’une façon formelle le caractère