Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 58.djvu/683

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre de nationaux-libéraux constatèrent avec joie que l’État enseignant, l’Etat qui s’instituait officiellement maître de religion, faisait abandon de cette prérogative en faveur des prêtres « ultramontains » de Braunsberg ; ils espérèrent que ce n’était là qu’un début, et qu’un jour l’Etat prussien renoncerait, partout, à enseigner lui-même le catéchisme. Pour des raisons singulièrement différentes entre elles, il se trouvait que Falk, une première fois, avait contenté tout le monde, et ce fut la dernière fois. Car on apprit, bientôt, que Falk semblait avoir pour idéal lointain, dans les écoles et dans les gymnases, le mélange des confessions. La municipalité de Breslau, pour laquelle Mühler s’était montré si peu complaisant, était tout de suite admise à introduire des Israélites comme maîtres dans ses écoles. Il y avait auprès de Falk un pédagogue très respecté, Wiese, qui citait au ministre un mot de Lassalle : « Les Juifs gâtent l’allemand, » et qui lui représentait qu’un bon maître, pour bien expliquer le De officiis, doit pouvoir comparer les antiques vertus cardinales aux vertus chrétiennes. Falk écoutait, puis passait outre, au scandale des conservateurs ; et c’étaient eux encore, bien plutôt que les catholiques, qui se sentaient bravés lorsque Falk instituait un enseignement religieux Israélite dans les gymnases de Posnanie ; les plus libertins d’entre les nationaux-libéraux ne trouvaient pas mauvais que Jéhovah lit son entrée dans l’enseignement prussien, puisque avec lui et devant lui, Israël s’y installait.

L’orthodoxie protestante s’agitait, trouvant inquiétante pour Jésus cette victoire commune d’Israël et de Jéhovah. Le projet sur l’inspection scolaire demeurait au premier plan des préoccupations politiques : la Gazette de la Croix demandait pourquoi Bismarck n’en avait pas saisi le conseil supérieur évangélique. « C’est qu’il aurait fallu, parallèlement, consulter les évêques, » répliquait la Gazette de l’Allemagne du Nord. Réponse sensée, et tout en même temps maladroite ; car, en avouant aux pro-testans orthodoxes qu’ils risquaient de pâlir et qu’ils pâtissaient des procédés dont l’autre Eglise était l’objet, n’allait-on pas préparer certaines alliances entre eux et cette autre Eglise ? Le pasteur Frédéric Fabri, dans une brochure retentissante, critiquait la politique bismarckienne, et sonnait l’alarme, au nom de la confession évangélique. Un propos de Bismarck se colportait, fort peu rassurant : « Les pasteurs luthériens, avait-il