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restait à vaincre, dans la Chambre des Seigneurs, les avocats de l’orthodoxie protestante. Un moment, l’issue de la lutte parut douteuse, et l’on parla même d’une fournée de pairs. La commission nommée par la Chambre haute voulait que l’État fût contraint de prendre parmi les hommes d’Église, non seulement les inspecteurs locaux, mais même les inspecteurs de district. Eperonné par le péril, qu’il sentait très grand, Bismarck bondit, soudainement, sur un autre terrain d’attaque : il avait, devant la seconde Chambre, attaqué les alliances du Centre avec les ennemis intérieurs de l’Empire ; il voulut terroriser les Seigneurs en dénonçant d’autres alliances avec les ennemis extérieurs et, en évoquant le spectre de l’internationalisme romain.

La police vint au secours du chancelier. On arrêtait à Berlin le 21 février, dans cette cure de Sainte-Hedwige où demeurait le prêtre député Müller, un jeune homme de vingt-sept ans, ancien zouave pontifical, Émile Westerwelle. On l’accusait d’avoir dit à Posen, dans une auberge, que les choses allaient changer à Berlin : un vieux pistolet, trouvé sur lui, fit croire qu’il se proposait de les changer lui-même. Il passa pour conspirateur ; et l’on fit des perquisitions chez les Jésuites de Posen et chez le prélat Kozmian, qui, dans cette ville, avait logé Westerwelle.

Une lettre fut trouvée, dans laquelle Windthorst signifiait qu’à l’avenir les populations catholiques devaient envoyer, sans relâche, des pétitions pour le pouvoir temporel, non plus au Reichstag, mais aux gouvernemens des divers États, et surtout aux princes eux-mêmes : ainsi, lorsque les puissances catholiques prépareraient en faveur de Pie IX une intervention diplomatique, on n’aurait à craindre aucune opposition de la part des cabinets de l’Allemagne, tenus en respect par ces pétitionnemens incessans. La police apporta la lettre à Bismarck et relâcha Westerwelle. Bismarck fit expulser de Pologne les jésuites étrangers, et prit ses mesures pour substituer à Westerwelle un autre accusé, un accusé qui serait Windthorst.

Kröcher, président de la Chambre des Seigneurs, voulut que les conclusions de la Commission, concluant contre le projet de loi, fussent soutenues par le pieux et rigide Kleist Retzow, oncle de Mme de Bismarck. Kleist hésitait ; il sentait qu’à la brouille des Églises et de l’État, à la brouille des conservateurs et du chancelier, s’ajouterait une brouille de famille, entre l’oncle et le neveu. Mais Kleist craignait Dieu et aimait l’Église