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devait obéir aux règles de l’Église jusqu’à ce que les deux pouvoirs se fussent trouvés d’accord. « Cela est faux, signifiait Falk ; cela est incompatible avec la souveraineté du pouvoir civil, et, plus spécialement, avec le serment que les évêques prêtent au Roi. » Et Falk exigeait que ce prélat se déclarât disposé à obéir complètement aux lois de l’Etat. Sinon, les rapports entre l’évêque et le Roi seraient rompus, et, le cas échéant, on demanderait à la loi des armes nouvelles.

Ce que Falk ne précisait pas, ce que sans doute il n’avait pas encore défini clairement pour lui-même, c’est quelle serait la situation d’un évêque dont « les rapports avec le Roi seraient rompus. » Mais lorsque, le 15 mai 1872, Falk signa cette lettre à Krementz, le germe des lois de mai 1873 mûrissait déjà dans son cerveau. « Bismarck croit-il donc, demandait tout de suite la Correspondance de Genève, qu’il dépende de lui qu’un évêque cesse d’être considéré comme tel par ses diocésains ? Un décret semblable rendrait plus ardent l’amour des fidèles pour leur pasteur. Qu’il supprime les revenus, et l’aumône les remplacera. Qu’il emprisonne, et il aura au sein de son Allemagne un pendant du Vatican ; ses amis les Italiens pourront lui dire au besoin tout le bien qu’on en retire. » Avec le flair que donne parfois la haine, le rédacteur de la Correspondance avait à l’avance esquissé toute l’histoire du Culturkampf. Mais le sage Krementz, ayant appris à l’école des Pères, et des martyrs eux-mêmes, que la persécution ne devait pas être crainte, mais ne devait pas non plus être cherchée, allait, en apôtre soucieux des âmes, jusqu’au bout des concessions ; il offrait d’écrire publiquement à ses diocésains que l’excommunication n’avait pas de conséquences civiques ; il déclarait reconnaître la souveraineté plénière de l’État dans le domaine de l’État. Guillaume, à qui Krementz adressait ce message, s’en fût assurément contenté ; mais Falk, plus difficultueux, n’admettait pas, lui, que les limites de ce domaine fussent fixées par un autre personnage que l’État.

Les mercuriales aux évêques n’étaient, dans l’activité de Falk, que de fugitifs épisodes ; l’instruction publique l’absorbait, et quelques semaines de juin lui suffisaient pour accomplir ou préparer de profonds bouleversemens. Une circulaire rapide, datée du 15 juin, excluait de l’enseignement public tous les ordres religieux : c’était la fermeture, à bref délai, de 892 maisons de sœurs. Falk décidait, encore, de créer, dans toute la Posnanie,