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l’ambassade était gérée par le prince, alors comte Munster. M. de Schœn y remplissait les fonctions de premier secrétaire. Il a pu alors se familiariser avec nos affaires communes, y appliquer l’heureuse précision de son esprit, enfin nous bien connaître et nous bien comprendre, et cette expérience ne nous a pas été défavorable dans son esprit, s’il est vrai, comme on l’affirme, qu’il a toujours désiré revenir à Paris. Nous ne pouvons qu’être sensibles à ce sentiment de la part d’un homme qui a été ministre à Copenhague, ambassadeur à Saint-Pétersbourg et enfin ministre des Affaires étrangères.

Quant à M. le marquis del Muni, il était à Paris depuis si longtemps déjà que nous nous étions habitués à voir l’Espagne elle-même dans son représentant, et nous ne pouvions pas la voir sous des dehors plus sympathiques. M. le marquis del Muni avait commencé sa carrière dans la politique et non pas dans la diplomatie, mais il était fait pour elle et il y a apporté des qualités séduisantes faites de bonne grâce, de bonne humeur, de bonhomie même, qui rendaient avec lui les rapports très agréables. Sous ces dehors charmans, le diplomate était singulièrement attentif, avisé, tenace, redoutable même parfois, et nous doutons qu’aucun autre ait mieux servi son pays. Il a eu à discuter, lui aussi, avec nous ces affaires marocaines, où l’Espagne a des intérêts et des droits qui ne sont pas sans analogie avec les nôtres, et qu’il fallait mettre d’accord avec eux. L’entente des deux pays était la condition de leur force commune à l’égard des prétentions que d’autres pouvaient émettre et qu’il s’agissait de ramener à leurs limites légitimes. Le grand mérite de M. le marquis del Muni est de l’avoir compris, et, bien qu’il n’ait jamais rien sacrifié des intérêts de l’Espagne, de ne les avoir jamais détachés de ceux de la France. C’est en grande partie grâce à lui que la France et l’Espagne se sont présentées en parfait accord à la Conférence d’Algésiras et qu’elles y ont fait admettre par toutes les autres puissances les droits qui résultaient pour elles de leurs intérêts spéciaux. Nous ne pouvons pas oublier, et c’est même d’ailleurs le moment de le rappeler, qu’un des représentans de l’Espagne à la Conférence a été M. Perez Caballero qui succède à M. le marquis del Muni. Comme M. de Schœn, il a été ambassadeur et ministre des Affaires étrangères, mais c’est surtout au rôle qu’il a joué à Algésiras que nous aimons aujourd’hui à reporter notre souvenir. Il a été alors parfaitement fidèle à la politique d’entente entre son pays et le nôtre, et c’est pour nous une sérieuse garantie qu’il continuera de l’être, maintenant que les mauvais jours sont passés.