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reconnus par Charles II « véritables et absolus propriétaires du pays. »

Pour n’être point allées en cette matière aussi loin que l’Angleterre, les autres nations n’en ont pas moins toutes affirmé leur droit de disposer des terres vacantes[1]. L’État du Congo n’innovait donc point en proclamant, dès le 1er juillet 1885, son droit de propriété sur les terres vacantes et en confirmant les natifs dans la possession de leurs biens et dans leurs anciens usages de chasse, de pêche, et même de cueillette du caoutchouc. Mais toutes les nations n’appliquent pas ce principe avec la même rigueur, et c’est l’usage qu’en fit le roi Léopold II qui lui suscita les vives critiques dont l’écho n’est point encore éteint.

Tant que l’ordonnance constituant le domaine demeura à l’état de théorie, elle passa inaperçue. Mais en 1892, lorsque, forcé de se créer des ressources, le gouvernement congolais commença l’exploitation des forêts, on formula en Belgique les premiers reproches de monopole et d’atteinte à la liberté du commerce. Ils furent repris ensuite et amplifiés en Allemagne, aux Etats-Unis et surtout en Angleterre, lorsque, vers 1898, la preuve de la valeur considérable des territoires congolais eut été définitivement acquise.


Si la controverse engagée pendant des années, sur les mots « liberté du commerce, » entre le Foreign Office et la chancellerie congolaise, n’a plus qu’un intérêt académique pour la

  1. En vertu de l’article premier du décret du 28 mars 1889, les terrés vacantes et sans maîtres font, au Congo Français, partie du domaine de l’État sans qu’aucune disposition subordonne ce droit de propriété à une appréhension ou à une occupation effective des terres. Dans la colonie anglaise, l’Uganda, toutes les terres vacantes appartiennent au Gouvernement, soit en vertu du droit de conquête, soit en vertu de conventions conclues avec les chefs et les souverains indigènes (Africa, n° 6, 100, p. 14). Le régime n’est pas différent en Afrique orientale britannique. En Rhodésie, toutes les terres non occupées effectivement par les natifs, et ayant de ce fait été reconnues telles par la Commission des terres, appartiennent à la Chartered qui en dispose librement. L’ordonnance impériale allemande du 26 novembre 1895 stipule qu’en Afrique orientale, toutes les terres sur lesquelles il n’existe de droits ni au profit des indigènes, ni au profit des non-indigènes, sont des terres de la Couronne dont la propriété appartient à l’Empire, disposition que l’on retrouve au Kamerun et que le Portugal consacre en ces termes : « Sont du domaine de l’État, dans les pays d’outre-mer, tous les terrains qui, à la date de la publication de cette loi, ne constituent pas une propriété privée acquise selon les termes de la législation portugaise. Est reconnu aux indigènes le droit de propriété des terres habituellement cultivées par eux… » (Décret du 9 mai 1801, art. 1 et 2.)