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Avec notre dessein va le cours des étoiles,
L’orage ne fait point blêmir nos matelots
Et jamais Alcyon, sans regarder nos voiles,
Ne commit sa nichée à la merci des flots.

Notre Océan est doux comme les eaux d’Euphrate ;
Le Pactole, le Tage est moins riche que lui ;
Ici jamais rocher ne craignit le pirate
Ni d’un calme trop long ne ressentit l’ennui.

Sous un climat heureux, loin des bruits du tonnerre,
Nous passons à loisir nos jours délicieux
Et là jamais notre œil ne désira la terre
Ni sans quelque dédain ne regarda les cieux.

Agréables beautés pour qui l’amour soupire,
Éprouvez avec nous un si joyeux destin
Et nous dirons partout qu’un si rare navire
Ne fut jamais chargé d’un si rare butin.


Et peut-être n’est-ce pas les Trempla serena de la sagesse épicurienne que Théophile a voulu décrire ainsi en les couvrant d’un léger voile ; et peut-être n’y a-t-il rien derrière le voile ; mais il resterait encore que le voile est très charmant.

Le poème le plus célèbre de Théophile de Viau est la Solitude qui nous servira fort bien de transition entre Théophile élégiaque et Théophile paysagiste, puisqu’elle a le double caractère de poème descriptif et de poème d’amour. Elle est affligée, comme presque tous les poèmes élégiaques et comme tous les poèmes descriptifs de Théophile, d’une incommodante prolixité, mais elle a des parties gracieuses, que, quoique très connues, il convient d’encadrer ici.


Dans ce val solitaire et sombre
Le cerf qui brame au bruit de l’eau,
Penchant ses yeux dans un ruisseau
S’amuse à regarder son ombre.

Un froid et ténébreux silence
Dort à l’ombre de ces ormeaux
Et les vents battent les rameaux
D’une amoureuse violence.


Ici beaucoup de mythologie, et c’est sans doute ce qui a été le plus admiré alors, mais nous, nous passons.


<poem> Corinne, je te prie, approche, Couchons-nous sur ce tapis vert,