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de nous transmettre une tradition locale sans plus ample informé. De son temps même, un pieux historien de la religion séraphique, Rodolphus, recueillant des renseignemens identiques, nous assure n’avoir pu trouver de preuves écrites. Les a-t-il bien cherchées ? Ces pièces lui auraient-elles échappé ? Voici que, bien plus tard, en 1704, un auteur scrupuleux, le Père Angeli, de Rivo Torto, dans son Collis Paridisi ayant dépouillé les archives d’Assise, confirme, au contraire, les assertions du Florentin en termes explicites. D’après lui, Jacques l’Allemand n’aurait pas été appelé seul à Assise. On y aurait, suivant la procédure en usage dans les républiques italiennes, convoqué avec lui d’autres architectes et experts. Or, parmi ceux-ci, se rencontre, « jeune encore, attiré par sa dévotion, Philippus de Campello (sic) qui, plus tard, entra dans l’ordre et fut établi directeur de l’œuvre après le dit Jacobus. » L’affirmation est précise, elle établit nettement l’importance et la durée du rôle joué par ce Campello, sinon dans les premiers travaux, au moins dans leur poursuite et, peut-être, leur achèvement. Adjoint, dès la première séance, au jury des experts, il devient, quelques années après, collaborateur, puis successeur de son âme, son chef ou maître. Or, nous le retrouvons encore, en 1253, Magister Operæ, toujours directeur de ce grand travail auquel il se consacre depuis vingt-cinq ans. Dans ce cas, nulle difficulté pour comprendre l’unité harmonique de la conception générale, unité si frappante encore, si fortement impressionnante, malgré tant d’additions, modifications, altérations apportées, dans la suite des temps, à l’austère et simple gravité du plan primitif.

L’histoire chronologique de ces transformations matérielles, étudiée sur place par MM. Thode et Venturi, s’oppose-t-elle à la vraisemblance de la tradition ? Nullement, semble-t-il. En 1230, lors de la translation clandestine et nocturne des reliques et de la cérémonie publique et tumultueuse qui suivit, l’église inférieure était achevée, au moins dans son gros œuvre. C’était une véritable crypte, aussi large et aussi longue que la nef supérieure dont elle devait être le support, comme celle de notre Saint-Gilles en Provence, mais réduite à trois travées. Ces trois travées, voûtées d’arêtes rectangulaires, étaient séparées l’une de l’autre par des arcs en plein cintre retombant droit sur d’énormes piliers, trapus et massifs, formés par trois segmens de colonnes, sans base et sans décor. Peu d’éclairage encore par quelques