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produisit donc sans effort pour créer le type des églises de la Renaissance, en ajoutant à la vieille abside basilicale, autour du chœur, la couronne de chapelles rayonnantes empruntée aux types du Nord. « Système absolument propre au style français, » dit M. Thode, qu’on voit se former à Bologne, d’où il se répand en Emilie et Lombardie. A Venise, à Padoue, Trévise, Vicence, Vérone, dans presque toute la Vénétie, certains détails marquent le caractère spécial de cet art : par exemple, le nombre égal des voûtes dans la nef et dans les bas-côtés, les colonnes rondes au lieu de piliers polygonaux ou de faisceaux de colonnettes, et, dans les façades extérieures, l’emploi de la brique agrémentée par des ornemens en marbre blanc. Partout, en somme, c’est l’instinct décoratif, le génie des colorations brillantes qui modifie, dans la mesure de ses besoins, les innovations introduites par l’architecture étrangère. Nulle part on ne pense à substituer, en son entier, l’organisme, si savant et si compliqué, de l’art gothique à l’organisme roman, traditionnel et éprouvé, plus simple et plus solide, plus résistant, dans les vastes plaines ou les hautes montagnes, aux assauts de l’orage, meilleur protecteur, au pays du soleil, contre les excès de lumière ou de chaleur.

C’est à la fin du XIIIe siècle et durant tout le XIVe que cette passion constructive et décorative atteint son paroxysme à tous les bouts de la Péninsule. L’enthousiasme des Républiques du Nord et du Centre se montre d’autant plus surexcité en ce moment, que Charles d’Anjou, le frère de saint Louis, appelé à Naples par la Papauté, y apporte tout le luxe et toute la libéralité de la Cour de France. Lui et ses successeurs, entourés de compatriotes, chevaliers, prélats, artistes, lettrés, y appellent, auprès d’eux, les plus grands artistes de l’Italie renaissante. Arnolfo di Cambio, Tino di Camaïno, Giotto, bien d’autres, vont se mettre à leur service et résideront à Naples plus ou moins longtemps, dans un milieu tout français. Il y a là, dans l’Italie méridionale, sous une impulsion monarchique, une production d’art international à laquelle ces promoteurs de l’art italien ne peuvent et ne veulent pas rester indifférens. Quoi d’étonnant à ce que, dans les sculptures, élégantes et presque attiques, du Florentin Arnolfo et dans celles du Siennois Tino di Camaïno qu’on a pu comparer, pour la grâce naïve et tendre de ses figurines légendaires, aux poétiques récits des Fioretti, et dans les