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péril : l’archontat devint accessible aux chevaliers, d’autres magistratures aux zeugites.

Aristide comprenait d’autant mieux l’état d’âme de ces vieilles familles rurales qu’il fut lui-même le plus illustre exemple du pentacosiomédimne ruiné. Il avait ses terres au Phalère, il avait été archonte en 489, il avait joui d’une aisance suffisante pour défrayer comme chorège des représentations dramatiques. Après 480, ayant dédaigné les moyens les plus admis de réparer les brèches faites à sa fortune, il vécut dans la gêne ; quand il mourut vers 467, il fallut célébrer ses funérailles aux frais du public. Ses filles reçurent de l’État 3 000 drachmes pour leur dot ; son fils Lysimachos fut tiré de la misère par un décret d’Alcibiade (le grand-père du grand Alcibiade), qui lui accorda une dizaine d’hectares. Il faut croire qu’en dépit de telles libéralités, cette famille ne se releva jamais, car Démétrius de Phalère (vers 310) connut un descendant d’Aristide qui gagnait sa vie en interprétant des songes ! La richesse primitive d’Aristide et sa déchéance subite ont été plus tard l’objet de longues discussions entre les érudits de basse époque, qui ne se rendaient plus compte des graves conséquences de l’invasion médique.

L’exemple du « Juste » fut peu suivi. C’est l’appauvrissement de tant de vieilles familles de pentacosiomédimnes qui explique les bruits fâcheux auxquels donna matière la gestion financière de l’Aréopage, composé en grande partie d’archontes sortis de cette classe. Ce corps était le seul qui eût conservé encore une autorité suffisante pour modérer dans une certaine mesure le pouvoir de l’assemblée populaire et de ses favoris momentanés ; mais le pouvoir constituait maintenant pour les aréopagites une tentation à laquelle tous ne résistèrent pas. En tout cas, c’est par des attaques contre la probité de ses membres qu’Ephialtès prépara la révolution pacifique qui, en 462-461, dépouilla ce corps antique de ses attributions politiques.

Ce que nous venons de dire des pentacosiomédimnes est vrai aussi de la seconde classe, et la décadence de tant de familles, dont beaucoup se rattachaient aux plus anciens Eupatrides, a rapproché sensiblement celles qui étaient le moins oublieuses de leurs racines rurales des simples zeugites qui s’étaient maintenus ou enrichis. Des alliances se contractaient, dont les Georges Dandin du temps, paraît-il, ne se félicitaient