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semaines d’effort, l’argent qui lui manquait pour aller séjourner quelques semaines à Florence.

Il partit de Paris dans les premiers jours de l’année 1834, voyagea par un temps affreux, vit, à Lyon, le Rhône débordé, se détourna de sa route pour admirer les Arènes de Nîmes et la Maison Carrée, se présenta enfin aux fils des Phocéens, si misérablement grippé, qu’ils le prirent en pitié pendant le banquet donné en son honneur, et l’obligèrent à retarder son cours d’une semaine. Le 23 janvier[1], il fit sa leçon d’ouverture devant un auditoire très nombreux et enthousiaste.

Le sujet du cours était une étude générale sur la poésie. Les développemens devaient s’accompagner d’exemples. Les exemples étaient fournis par les traductions des auteurs anciens, latins ou grecs, par les classiques français, et par des fragmens inédits de récens écrivains, les poètes du jour, les amis du conférencier. Brizeux prêchait aux Marseillais, en se gardant des exagérations, l’évangile du romantisme. Il leur révélait la Divine Comédie d’Antoni Deschamps ; il leur commentait les Consolations de Sainte-Beuve ; il leur faisait mesurer l’originalité du Moïse ou de l’Eloa d’Alfred de Vigny, son modèle de prédilection.

Pendant ce trimestre laborieux, où il habita la rue Saint-Ferréol et l’hôtel du Pérou, Brizeux trouva le temps d’écrire longuement, non seulement à son frère Ernest Boyer, mais à Barbier, mais à Sainte-Beuve. Il n’adressa pas une ligne à Vigny. Peut-être attendait-il de lui une communication poétique sur laquelle il avait compté et qui ne vint pas : « Et vous qui m’avez refusé quelques vers, — lui écrira-t-il de Florence, — savez-vous si je vous ai rendu justice ? »

Parti de Marseille, le 10 avril, débarqué à Civita-Vecchia, retenu à Pise quelques jours par la rencontre d’un ancien compagnon de route, le peintre français Perrot, et par la fréquentation d’un ami nouveau, Ferdinand Bosellini, « Toscan subtil, » Brizeux revoit Florence et s’y oublie. C’est seulement le 12 juin, deux mois après son arrivée en Italie et cinq mois,

  1. Une lettre de Brizeux à Ernest Boyer, rendant compte de cette leçon et datée du 2 janvier, a été publiée par l’abbé Lecigne avec une erreur de date : elle a été écrite entre la leçon d’ouverture et la première leçon du cours proprement dit, du 23 au 30.