Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Saint-Mesmin, dans le département de l’Aube, est réellement constituée par l’agglutination de fragmens de deux variétés de roches météoritiques qu’on trouve à l’état séparé dans des échantillons simples. L’une de ces roches est représentée par la pierre de Lucé, entre autres, qui est blanche et à grains extrêmement fins ; la seconde compose la masse tombée le 10 septembre, à Limerick, en Irlande, et qui est d’un gris cendré et toute remplie de petits globules très blancs et très friables.

Une masse ayant la structure de la météorite de Saint-Mesmin rentre dans la catégorie des roches terrestres qui depuis bien longtemps ont été qualifiées de brèches. Ainsi, l’on trouve en Egypte une pierre de ce genre, très recherchée à cause du bel aspect qu’elle prend par le polissage et qu’on appelle, avec une sensible exagération, la brèche universelle. En l’examinant, on y trouve, à l’état d’éclats solidement cimentés les uns avec les autres, des échantillons de granit, de porphyre, de syénite, de protogine, de quartz, de pétrosilex, etc., et il suffit d’un instant de réflexion pour reconnaître qu’elle n’a pas pu se produire d’un seul coup avec une constitution pareille. Il a fallu, de toute nécessité, qu’il se produisit dans des localités distinctes et par des réactions spéciales en chaque lieu : ici du granit, là du porphyre, ailleurs de la syénite, etc., etc. Il a fallu ensuite que ces roches, une fois constituées, fussent soumises à des effets mécaniques qui les ont réduites en éclats. Il a fallu que ces éclats fussent arrachés à leurs gisemens originels, qu’ils aient été charriés vers un même point et mélangés les uns avec les autres, puis réunis enfin, par l’introduction dans leurs interstices d’une matière conjonctive convenable.

Et l’on sent tout de suite à quoi nous voulons en venir : c’est que cette origine si compliquée de la brèche universelle doit nécessairement s’appliquer à l’histoire de la météorite hétérogène que nous venons de signaler. Quelque part, en dehors de la Terre, il s’est trouvé réalisé un ensemble de conditions comparable à celui qui sur notre globe a présidé à la constitution des brèches. Ceci veut dire que dans ce quelque part extra-terrestre, il y avait non seulement de la matière rocheuse, mais plusieurs qualités diverses de roches ; que ces roches, d’abord placées dans des gisemens distincts et séparés, ont été, — leur constitution une fois achevée, — soumises à des actions énergiques qui les ont réduites en petits fragmens, qui ont ensuite déplacé ces