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n’ont-ils pas, et les curés aussi, et les évêques aussi, quelque droit d’être entendus ? L’autorité suprême se forme-t-elle, comme celle de Moïse écrivant sous dictée le Décalogue, au milieu des nuages d’un Sinaï inaccessible ? Il est dangereux sans doute de poser ces questions : aussi faudrait-il faire en sorte qu’elles ne se posassent jamais,


La situation de l’Orient continue d’être préoccupante. Elle se trouble, elle s’éclaircit un peu et s’apaise, elle se trouble de nouveau et redevient agitée. Quelque habitué qu’on commence à être à ces alternatives successives, elles entretiennent en Europe un fâcheux état de nervosité. Hier, les inquiétudes venaient de la Macédoine où le gouvernement ottoman avait entrepris d’opérer un désarmement nécessaire, mais difficile. Aujourd’hui elles viennent des élections grecques et de l’impression, d’ailleurs naturelle et légitime, qu’elles ont produite à Constantinople. Il y a lieu d’espérer que, sur un point aussi bien que sur l’autre, ces inquiétudes se dissiperont, mais ce n’est pas sûr, et il l’est malheureusement beaucoup plus qu’elles renaîtront un jour plus du moins prochain. Le mécontentement est partout, excepté peut-être au Monténégro, qui vient de s’ériger à la dignité de royaume. L’exemple donné par le roi Ferdinand de Bulgarie a été contagieux. Il devait l’être, et personne n’a été surpris que le prince Nicolas ait voulu à son tour être roi. Il s’y était déjà préparé et y avait préparé le monde en se qualifiant, il y a déjà quelque temps, d’Altesse Royale. C’était un acheminement. Mais si cette transformation a satisfait l’imagination monténégrine, elle a porté ombrage à la Serbie. Il n’y avait jusqu’ici qu’un seul royaume serbe : il y en a deux maintenant ; la nationalité serbe est plus divisée qu’auparavant, ce qui ne laisse pas de l’affaiblir. Au surplus, le temps seul développera les conséquences de l’événement. En attendant, les deux familles royales, à Belgrade et à Cettigné, échangent des politesses protocolaires, et on pourrait croire que tout est pour le mieux.

Tout ne l’est pas en Macédoine. Le désarmement de populations toujours prêtes à la guerre civile était, nous l’avons dit, nécessaire. Le gouvernement ottoman l’avait déjà opéré en Albanie au prix d’une guerre dont on a pu se demander, pendant quelques mois, quel serait le dénouement. En fin de compte, les Albanais ont mis bas les armes et les ont rendues, ce qui a été un succès pour la Jeune Turquie. Elle ne pouvait pas en rester là ; il fallait aussi désarmer les Macédoniens. On y a procédé, paraît-il, avec brutalité et aussi avec une inégalité qui devait encore irriter les passions et provoquer les