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Nous ne pouvons pas terminer notre chronique sans dire la grande perte que la Revue a faite. Après M. Eugène-Melchior de Vogüé, c’est M. Albert Vandal qui disparaît à la suite d’une courte maladie, au milieu de regrets dont toute la presse s’est faite l’interprète avec une touchante unanimité. Ces regrets ne sauraient être nulle part plus vifs que chez nous qui voyons disparaître un précieux collaborateur et un ami. Ceux qui lisaient ici, il y a quelques semaines à peine, les articles de M. Albert Vandal sur Murat et la reine Caroline, ne pouvaient pas se douter, à voir sa plume si alerte et sa maîtrise si ferme, que ce beau talent était près de s’éteindre dans la mort. M. Albert Vandal n’avait que cinquante-sept ans ; il pouvait se promettre encore et nous nous promettions pour lui de longues années de travail et de succès. Ces espérances ont été cruellement trompées. Il laisse du moins derrière lui une œuvre qui sera certainement durable, parce qu’elle est à la fois une œuvre de science et de conscience scrupuleuse, et aussi une œuvre d’art. M. Albert Vandal avait une très haute conception de l’histoire et ne la considérait pas seulement comme une réunion de documens ; l’ordre, l’arrangement logique, la méthode dans l’exposition des faits, la connaissance psychologique, intime et profonde, des acteurs d’un grand drame donnaient beaucoup de force et de clarté à ses narrations en même temps qu’une portée supérieure à ses jugemens. Il soignait infiniment son style à la fois élégant et précis, qui avait conservé la forme classique ; il y mêlait beaucoup de fines nuances, d’intentions et de suggestions délicates que le lecteur aimait à y découvrir, enfin de grâce sérieuse et d’esprit. Son œuvre est marquée au coin de la distinction, comme l’était sa personne. Ce n’est pas encore le moment de parler de l’une et de l’autre avec les développemens qui conviennent. Nous ne voulons aujourd’hui qu’exprimer l’émotion douloureuse que nous a causée la mort prématurée de M. Vandal, qui a été un vrai historien, un écrivain séduisant, un patriote ardent, — toute son œuvre est un acte de patriotisme, — un homme enfin dont tous ceux qui l’ont bien connu, et dès lors aimé, garderont un inaltérable souvenir.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.