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sous Louis XIV, les châtelains de l’Ile-de-France trouvaient à passer marché pour l’entretien global de leurs propriétés. Fleurs et légumes, il est vrai, étaient encore des plus simples.

Ils avaient progressé depuis le règne de François Ier (1537), où le Roi payait 360 francs pour faire portera Meudon, au mois de juillet, des artichauts, des asperges « et autres diversités d’herbages et fruitages, » poussés dans le jardin de Blois et qui, vraisemblablement, n’étaient pas encore mûrs à Paris. C’est de ce temps aussi que date le chasselas des treilles royales de Thomery (1532), « la façon des vignes lez Fontainebleau, » plantées et « conduites » par Jehannot le Bouteiller pour une somme de 9 600 francs.

Le goût de l’exotisme en horticulture s’était répandu depuis cette même époque, où l’on avait dépensé 1 540 francs pour envoyer « quérir des orangers en Provence, » jusqu’aux orangeries monumentales de Versailles et de Clagny, peuplées de mille arbres en caisse. On citait au XVIIe siècle les collections des ducs Mazarin et de Créquy, de la duchesse de Verneuil, de M. de Beringhen le premier écuyer. Le commerce des fleurs, sauf en Hollande pour les tulipes, était fort peu de chose. C’est un chiffre fantaisiste que celui de Mme de Sévigné, écrivant qu’à la réception du Roi par le prince de Condé à Chantilly il y aura pour 40 000 francs de jonquilles ! On eût été bien embarrassé de les trouver dans le Paris de 1671.

Les espèces de fleurs se multiplièrent et se perfectionnèrent durant cent cinquante ans : « les plus belles, dessinées pour le recueil de Gaston d’Orléans (1630) au Muséum d’histoire naturelle, sont telles, dit Buffon, qu’aujourd’hui un jardinier de village n’oserait pas les cultiver. » Mais leur prix demeurait assez bas. Au moyen âge, la mode si répandue des « chapeaux de roses, » c’est-à-dire des couronnes dont se paraient les convives dans les festins et qui souvent faisaient l’objet d’un hommage féodal, n’était pas un usage onéreux au prix de 3 fr. 75 le kilogramme, que valaient à Paris les roses de Provins. Chez la rosière du Parlement, sous Charles IX, 6 fr. 50 était le tarif du millier de boutons de roses. Sous Louis XV, la Petite Bouquetière de Paris vendait ses bouquets de 0 fr. 60 à 1 fr. 20 ; « encore fallait-il qu’ils fussent beaux. » C’était le prix réel et marchand pour les dames ; des messieurs la même bouquetière se vantait d’obtenir dix fois plus ; mais sans doute en leur