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passer de son concours. Ferri crie à pleins poumons : Vive le Roi ! Mais le parti s’affaiblit à mesure que ses électeurs, ses députés augmentent. De 45 000 qu’ils étaient en 1906, ses membres cotisans sont tombés à 31 000. Le journal l’Avanti, organe central du parti, touche à la déconfiture. La Confederazione del Lavoro a expulsé les révolutionnaires, mais elle reproche au parti de négliger, pour ses combinaisons de couloirs, les intérêts ouvriers, de se montrer tantôt trop intransigeant tantôt trop politique. Les réformistes du Sud ne s’entendent pas avec les réformistes du Nord. Bref, il y a crise dans le parti, qui évolue vers le radicalisme démocratique.

Ultraparlementaires aujourd’hui, les mililans italiens se montraient, vers 1890, anarchistes exaltés, sectateurs de Bakounine. Les socialistes espagnols se dégagent à peine de ce même anarchisme qui a jeté dans la péninsule de profondes racines. Fondé par un ouvrier typographe, Pablo Iglesias, comme une filiale de la social-démocratie allemande, le parti ne compte que lui comme premier et unique représentant aux Cortès. Madrid lui a donné 40 000 voix. Quelques municipalités ont été conquises. 10 000 cotisans forment le noyau de la secte alliée aux républicains et aux anarchistes pour renverser la monarchie. Des sociétés d’écoles laïques s’y rattachent. L’insurrection de Barcelone, lors de l’expédition du Rif, les scènes macabres et atroces, dignes du burin de Goya, qui s’y déroulèrent, témoignent de la sauvagerie des classes ouvrières. Les socialistes se sont si peu dégagés des anarchistes que Pablo Iglesias, aux Cortès, justifiait d’avance tout attentat contre M. Maura, et s’en faisait ainsi l’inspirateur et le complice.

En France, pays d’entière liberté et de licence, le mouvement socialiste participe à la fois de la violence anarchiste des Espagnols et de l’opportunisme démocratique des Italiens. Bien qu’il soit sous la direction des intellectuels de la bourgeoisie, qu’il recrute son état-major à l’Ecole normale, dans l’Université, le parti socialiste manque à son devoir, il ne cherche à exercer aucune influence sur l’éducation des classes ouvrières. Nulle part les grèves ne sont plus violentes et plus brutales, les appels au couteau et au revolver plus fréquens et plus impunis. La participation d’un socialiste au ministère Waldeck-Rousseau, l’étroite alliance des parlementaires avec le ministère Combes lui avaient aliéné les militans de la Confédération