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au Congrès par tout le monde, Belges, Suisses, Américains, par les Allemands au premier rang : ceux-ci parce qu’ils sont centralistes, ceux-là parce que le même problème des nationalités s’impose à eux dans leur propre pays. Le conflit austro-tchèque est d’un intérêt vital pour tout l’Orient de l’Europe. Le Congrès a condamné les Tchèques : il reste à savoir s’ils se soumettront.

Ainsi l’Internationale est amenée à se préoccuper du nationalisme qui la contredit, et à mesure qu’elle se développe, elle est de plus en plus obligée d’en tenir compte. Adler a dû déclarer que, même dans l’organisation unitaire des- syndicats, il fallait introduire une disposition qui tînt compte des différences de langage. N’est-ce pas reconnaître, d’une manière détournée, la valeur des argumens tchèques ? Joignez à cela que les Italiens irrédentistes d’Autriche ne visent qu’à briser l’unité austro-allemande ; que les Juifs, la plus nationaliste de toutes les races, les Juifs prolétaires de l’Europe orientale qui vivent avec les Slaves sur le pied de chiens et de chats demandent à former une section spéciale dans l’Internationale, et corrigez l’axiome de Marx que répète à satiété M. Hervé : « Les prolétaires n’ont point de patrie. » Le triomphe du socialisme ferait éclater une véritable explosion de nationalisme.

Il s’agit là sans doute des patries d’affinités, des patries qu’on a dans le sang. Quant aux patries officielles, l’Internationale ne les veut non plus ni agressives, ni même défensives : elle ne vise à rien moins qu’à supprimer la guerre entre les peuples. La recherche des moyens pratiques en vue d’obtenir l’arbitrage et le désarmement formait la seconde question du Congrès : un piège s’y cachait à l’adresse des social-démocrates allemands. Une lutte plus ou moins dissimulée pour l’hégémonie se poursuit entre Allemands et Français, depuis la fondation de l’Internationale. Gênés dans leur opposition intransigeante au gouvernement prussien par la politique ministérielle des socialistes français qu’on ne cessait de leur opposer, deux fois les Allemands avaient fait condamner cette politique, au Congrès de Paris en 1900, puis à celui d’Amsterdam. Singulièrement cm barrasses à leur tour par l’inertie des socialistes allemands, au moment de la crise marocaine, attitude qui contrecarrait toute propagande antiguerrière et antimilitariste, les Français prirent leur revanche à Stuttgart, en obligeant les Allemands, après des débats exaltés où Jaurès et Bebel, Hervé et Vollmar furent