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aux prises, à accepter du Congrès une décision qui recommandait d’employer tous les moyens destinés à empêcher la guerre : au cas où la guerre éclaterait, les partis socialistes de tous les pays s’engageaient à remuer les couches profondes du prolétariat, afin de tâcher de précipiter la chute de la domination capitaliste, c’est-à-dire de mettre en branle la révolution sociale.

Ce n’était pourtant là, aux yeux des Français, qu’une demi-victoire. La déclaration de Stuttgart leur paraissait trop nébuleuse. Ils prétendaient obtenir du Congrès de Copenhague et imposer aux Allemands une décision d’une netteté lapidaire. Sous le pseudonyme d’Un Sans-Patrie, le journal de M. Hervé, la Guerre sociale, à la veille et au lendemain du Congrès, s’expliquait sans ambages : « Nous sommes décidés, en France, à répondre à un ordre de mobilisation par la grève générale et l’insurrection, quel que soit l’agresseur apparent. Au moment d’une guerre, bien fin qui dira quel est l’agresseur. Devant une affirmation si nettement posée, Bebel et Vollmar se sont livrés à des distinguo, à des finasseries. Seule la social-démocratie peut arrêter la guerre. Or, elle a tous les mérites, sauf l’esprit révolutionnaire… » Mais qu’on oblige les Allemands à voter un engagement de grève générale et d’insurrection en cas de guerre, ils arriveront au sentiment par le mot, à l’acte par le sentiment, et tiendront à honneur d’exécuter un serment solennel. Ils risquent de perdre des voix électorales, des sièges au Parlement : le beau malheur ! Ils encourent la prison : mais ne prouvent-ils pas, chaque jour, leur courage civique ? Qu’ils y joignent donc l’ardeur insurrectionnelle ! Obligeons-les à faire le pas décisif, faisons leur avaler la grève générale.

Ainsi raisonnait le Sans-Patrie de la Guerre sociale et avec lui M. Vaillant. M. Vaillant et M. Hervé, du fond de sa prison, sont en parfait accord. A la Commission, M. Vaillant fut donc très net, il glissait de nouveau dans l’ordre du jour la question de l’attitude en cas de guerre, bien qu’elle ne fît pas partie du programme. Il demandait que la motion sur l’arbitrage et le désarmement spécifiât que le prolétariat socialiste est décidé à recourir à la violence, à se me lire en grève, à s’insurger, pour empocher tout conflit guerrier.

Cette fois, M. Vaillant était fort de l’alliance de Keir Hardie, des délégués d’Angleterre, d’Amérique, ravis de mettre ainsi ces Allemands redoutés au pied du mur. Cependant, tous les