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magnifique hôtel de ville de Copenhague, fut grandiose. Un buffet se dressait aux dimensions pantagruéliques, où, nous dit le Vorwaerts, les jambons, les homards cramoisis, les plats les plus recherchés, toutes les « délicatesses » alternaient avec une profusion variée de bouteilles au long col ; ce n’était ni le brouet Spartiate de Gracchus Babeuf, ni la soupe aux choux que Proudhon servait pour tout potage à ses hôtes. « A dire vrai, écrit l’Humanité, quelque honte nous venait d’accepter pour nous pareilles somptuosités. » M. Jaurès parla en allemand du haut d’une tribune, et quand il eut « épuisé son vocabulaire, mais non les effusions de son cœur, » et qu’il descendit, des amis le serrèrent dans leurs bras jusqu’à l’étouffer. M. Vandervelde répondit au vieux sénateur Knudsen, en se parant du titre de Président de l’Internationale. Il remercia les camarades Danois de cette réception dans un palais, et il émit le vœu que les socialistes fussent bientôt reçus dans, d’autres palais. Etait-ce une allusion à Laeken, le Versailles belge ? Cependant les congressistes erraient à travers des salles splendidement illuminées où les souverains en pied, du fond de leurs cadres dorés, les contemplaient. Un délégué, nous dit-on, se fit photographier grotesquement assis sur le fauteuil royal surmonté du dais et de la couronne. La pose était prématurée. Nous avons déjà salué, nous saluerons encore des Excellences socialistes. Nous n’en sommes pas encore aux Majestés.

Dissimulés derrière les fleurs et le feuillage, les instrumens étaient accordés : au rythme voluptueux des valses viennoises les couples s’enlacèrent, tournoyèrent, le dieu Cupidon se mettait de la partie, tout se termina dans la joie, et l’on put admirer les plus célèbres d’entre les socialistes entraînés dans la plus échevelée des farandoles…


J. BOURDEAU.