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s’unissaient avec celles des toits voisins, pour recueillir l’eau des pluies, que des gargouilles saillantes allaient verser en douche, au milieu de la rue, sur le dos des passans. Tel était le type des immeubles qui, suivant leur dimension, leur quartier, et suivant aussi la prospérité ou le malheur des temps, depuis Philippe-Auguste jusqu’à Louis XII (1200 à 1500), se louaient à Paris de 50 à 500 francs de notre monnaie.

Des boulangers, des bouchers, des épiciers paient de 120 à 320 francs ; des plâtriers, des charpentiers de 40 à 334 francs ; des savetiers, pelletiers, barbiers de 77 à 435 francs ; des fourbisseurs, gainiers, « sergens » (huissiers) ou apothicaires de 64 à 470 francs. Il va de soi que le loyer de ces ouvriers ou marchands varie dans la même profession, selon les ressources et l’achalandage de chacun, du simple au décuple, et qu’il se voit des maçons logés pour 54 francs rue des Marmousets (1358), et d’autres pour 412 francs, rue du Vert-Bois ; comme il se voit des loyers de « femmes amoureuses » à 166 francs, rue d’Autriche, et d’autres à 1 170 francs rue Saint-André-des-Arcs (1490). Il se voit même des « chambrettes à fillettes » pour 51 francs, rue de la Harpe ; car les maisons se détaillaient et pour 28 francs, au XIIIe siècle, on louait un étage rue Pavée (1286).

Cet étage, il est vrai, ne représentait qu’une chambre ; car il ne suffit pas de rapprocher les loyers anciens des modernes, il faut aussi comparer les logis auxquels ces loyers correspondent, aux temps passés et actuels, afin de savoir si, pour un prix égal, les logemens sont pareils, ou meilleurs, ou moins bons. Or il ne subsiste plus guère d’habitations privées remontant au moyen âge. Même les hôtels princiers de la capitale des premiers Valois ont disparu beaucoup plus complètement que les châteaux forts de cette époque. Il n’en est plus trace dans le Paris de 1910 : toutefois, les descriptions, mensurations et dessins des âges postérieurs nous en donnent une idée assez précise.

Il est moins aisé de reconstituer le home d’un prolétaire ou d’un petit bourgeois, contemporain de la guerre de (lent ans ou de la Renaissance. Il faut pour cela comparer les maisons entre elles, en deviner l’importance et les dimensions par le coût des matériaux qui, lui, nous est exactement connu. Ce dernier critérium n’est pas infaillible : on ne saurait dire que les immeubles urbains se vendent, et par conséquent se louent, pour le prix qu’ils ont coûté ou coûteraient à construire. Au contraire,