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récemment restaurées et décorées par les Cosmati, si habiles à combiner, dans leurs sculptures et mosaïques, la séduction brillante des polychromies orientales et l’élégance pure et claire du marbre blanc. Que sa réputation l’y ait précédé, ou qu’il l’y ait acquise, durant son séjour, il y fut, semble-t-il, fort occupé. On lui attribue une forte part dans la suite des Légendes de saint Pierre et saint Paul, peintes vers 1275, sous le portique de la Basilique vaticane : c’était un long cycle de scènes dramatiques, malheureusement détruit au XVIe siècle avec la vénérable bâtisse. Nous ne pouvons plus juger de leur valeur comme style, mais nous connaissons, du moins, leur intérêt comme compositions narratives, par les grossières copies qu’en fit alors Deodato Orlandi, dans la nef de San Piero di Grado, près de Pise, et quelques dessins, pris sur place au XVIIe siècle, avant la destruction, par J. Grimaldi (Bibl. Vatican. Cod. Barberiniano, XXIV, 50). C’est peu de temps après que Cimabue se rendit à Assise où il dut séjourner plusieurs fois.

L’œuvre considérable qui lui est attribuée, comme celle que l’on accorde à Cavallini, dans la basilique franciscaine, ne peut être déterminée que par la comparaison avec leurs peintures authentiques, disséminées ailleurs. Il en est de même pour tous leurs associés probables dans cette énorme entreprise, Fra Jacopo Torriti (deuxième du nom), franciscain, l’auteur, avec un autre frère mineur, Fra Giacomo da Camerino, des belles mosaïques absidales à Sainte-Marie Majeure et Saint-Jean de Latran (1295), Gaddo Gaddi et Filippo Rusuti qui travaillèrent aussi à Sainte-Marie Majeure. Ce dernier, bientôt appelé à Paris par le roi Philippe le Bel, avec deux autres maîtres romains, y touchera pension, comme peintre de la Cour, de 1309 à 1317. Malheureusement, la disparition totale de leurs œuvres dans notre pays ne nous permet point de constater l’influence qu’ils durent exercer sur notre école nationale.

Il faut bien ici, néanmoins, s’efforcer de rendre à ces vaillans ouvriers des premières heures la justice reconnaissante qui leur est due. Justice collective, c’est facile, car l’ensemble de leur œuvre, si mutilée qu’elle soit, reste encore surprenant et admirable. Justice distributive, c’est moins aisé ! Et pourtant, comment ne serait-on pas tenté de s’y essayer ? M. Venturi, après Crowe et Cavalcaselle, Strzygovvski, Zimmermann, Thode, Hermanin, Toesca, l’a fait avec une patience exemplaire, et, s’il