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châteaux des environs. Quelques-uns les font en tandem. Mais beaucoup sont obligés d’user du chemin de fer. Il leur faut alors se faire accompagner d’un conducteur, ce qui risque d’élever bien haut les frais de déplacement et de compromettre les bénéfices de la journée. L’Association Valentin Haüy leur sert d’avocat auprès des compagnies de chemin de fer pour leur obtenir des permis de circulation qui les autoriseront, lorsqu’ils ne dépasseront pas un rayon déterminé, à ne payer qu’une place pour eux et leur guide. Les compagnies d’ailleurs s’y prêtent avec beaucoup de bonne grâce. N’est-ce pas un désavantage suffisant pour l’aveugle que d’avoir à payer les gages de son guide et de voir ses salaires réduits d’autant ?

Mais le patronage est beaucoup plus nécessaire encore pour les métiers proprement manuels. Les principaux de ces métiers qu’exercent en France les aveugles sont : pour les hommes la brosserie, le cannage et le rempaillage des chaises, la vannerie, la fabrication des couronnes de perles, le filet ; pour les femmes la brosserie, le cannage des chaises, le filet, le crochet, le, tricot, etc. Nous ne parlerons que de la brosserie qui nous servira d’exemple. La brosserie, en effet, est généralement préférée aux autres métiers parce que c’est elle, semble-t-il, qui rémunère le moins mal. On pourrait aussi développer un peu chez nous l’apprentissage de la vannerie fine, de la vannerie de luxe, car dans quelques milieux les articles de ce genre trouvent facilement un débouché avantageux. Toutefois, d’une façon générale, aujourd’hui, c’est la brosserie qui donne les résultats les plus satisfaisais.

Le brossier aveugle travaille aussi bien que son camarade clairvoyant, souvent même avec plus de régularité, si bien que ses produits se vendront au meilleur prix ; mais il travaille près de deux fois moins vite. De plus, pour vendre sa marchandise et pour acheter la matière première qui lui est nécessaire, il a besoin d’un guide, qu’il paie naturellement sur les produits de son travail. Alors un problème difficile se pose : comment mettre les ouvriers aveugles en état de se suffire par ce travail ?

Le système qu’on a employé le plus ordinairement jusqu’à présent, est de fournir aux ouvriers la matière première au prix de gros afin de diminuer leurs frais, et de placer leurs produits pour leur épargner les pertes de temps qu’occasionne la recherche des débouchés et régulariser le plus possible la production. C’est