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n’aurait en réserve pour lui que des paroles de tendre amitié et de compassion, — qu’après encore une semonce aigre-douce de M. Ziedorn et un regard sévère de son client M. Lœwenberg, il grimpe dans sa chambre, sous les combles de la haute maison, et se pend au crochet de la toiture vitrée. La « grosse » Hedwige, décidément, n’obtiendra pas, pour son enfant, et pour soi la somme rondelette que déjà elle croyait tenir dans ses courtes mains rouges.


Ce n’est pas sans un certain embarras, je dois l’avouer, que j’ai entrepris ce fidèle résumé de l’intrigue du nouveau roman de M. Hermann. N’allais-je pas réveiller, dans l’âme du lecteur, le fâcheux souvenir de telles histoires « ancillaires » dont nous a jadis encombrés la défunte « école de Médan, » depuis le Pot-bouille du maître lui-même de cette école, — avec sa haute et imposante maison neuve qui, vraiment, ne laisse pas de ressembler un peu à la maison berlinoise où s’accomplit devant nous la destinée tout entière de l’infortuné Kubinke, — jusqu’à des contes ingénument scandaleux de Paul Alexis ou des comédies non moins ingénument « rosses » des premiers fournisseurs du Théâtre-Libre ? Et le fait est que je soupçonne M. Hermann d’avoir voulu emprunter çà et là, à ces confrères français d’il y a trente ans, maints petits artifices de description ou de style qui sans doute lui auront paru d’une « audace » toute « parisienne. » Mais combien tout cela nous importe peu et tient peu de place, lorsque nous lisons, dans sa suite et sous sa forme originale, le récit des humbles amours d’Emile Kubinke ! Combien le roman de M. Hermann, tel qu’il est en réalité, diffère pour nous de ces « tranches de vie » de nos « naturalistes » français, ou plutôt combien peu il nous laisse le loisir de la comparaison, nous forçant à n’avoir d’émotion ni de curiosité que pour le détail incessant des médiocres joies et des angoisses cruelles du timide petit employé de M. Ziedorn ! Et combien ensuite, à la réflexion, nous jugeons inutile, et mesquin, et, grossier, le sourire « détaché » que provoquaient chez nous les histoires fortement épicées de l’école de Médan, — continuatrices plus ou moins conscientes, parmi nous, des « gaudrioles » d’un Paul de Kock beaucoup plus que des vivantes évocations d’un Balzac ou d’un Flaubert, — en regard de la très naïve et touchante aventure qui nous est exposée tout au long des copieux chapitres du nouveau roman berlinois !

C’est que, tout d’abord, M. Hermann s’est trop imprégné de la langue poétique de Dickens pour n’avoir pas ressenti la tentation d’emprunter également au grand romancier anglais sa manière