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à la fois la signification intime des choses et leur apparence extérieure, sauf parfois à les résumer toutes deux en une simple image du plus heureux effet. Évidemment, M. Hermann s’est donné pour tâche, dès son début dans les lettres, d’explorer et de décrire, sous ses aspects divers, le décor, la vie, et les mœurs de Berlin : mais tandis que la peinture qu’il nous en offrait dans Jettchen Gebert contenait une foule de détails communs à la capitale prussienne et à d’autres grandes villes d’Allemagne ou d’ailleurs, c’est à présent, en quelque sorte, l’élément tout « berlinois » de Berlin qu’il a réussi à nous représenter. Ni la maison habitée par M. Ziedorn et M. Lœwenberg, — immense édifice jailli brusquement de terre dans un quartier qui, lui aussi, s’est brusquement substitué à la pleine campagne, — ni M. Ziedorn lui-même et M. Lœwenberg et tous les autres habitans de la maison, depuis le « vice-propriétaire » — ou concierge — M. Piesecke, jusqu’à la « longue » Emma et à la « grosse » Hedwige, ne ressemblent à rien de ce que nous font voir nos maisons parisiennes. Il y a là une atmosphère spéciale, que ne peuvent manquer d’avoir respirée tous ceux qui, de nos jours, ont eu l’occasion de demeurer quelque temps dans la patrie de M. Hermann, mais que lui seul, jusqu’ici, est parvenu à nous traduire en des pages écrites. Combien j’aurais aimé pouvoir citer, par exemple, sa description du bal populaire où Emile Kubinke se trouve inopinément admis à l’honneur de régaler et de divertir la dédaigneuse Emma, ou bien l’un des nombreux petits tableaux de l’intérieur bourgeois des Lœwenberg, ou encore les portraits de tels des acteurs principaux ou des modestes comparses de la tragédie : le solennel M. Ziedorn, s’en allant chaque jour en chapeau haut de forme pour présider de fabuleuses séances d’un « Comité d’honneur, » le client Markowski, impatient de connaître les « tuyaux » de M. Ziedorn pour les courses de l’après-midi, et le « vice-propriétaire » Piesecke, sentencieux et plat, et la prétendue « cantatrice » qui finit par chasser de sa cuisine la « longue » Emma, après un échange bruyant d’injures poursuivi jusque dans l’escalier ! Mais il faut tout au moins que j’essaie encore de résumer rapidement l’une des scènes les plus importantes et les plus caractéristiques du roman, la scène des fiançailles d’Emile Kubinke avec la naïve et charmante Pauline.


C’est encore un dimanche de printemps ; mais, cette fois, le garçon coiffeur et sa nouvelle amie sont allés passer l’après-midi à la campagne, dans ces bois de Grünewald qui sont désormais, de plus en plus, le lieu de promenade favori du peuple berlinois. Sur la rive du