Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 60.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne l’a pas fait hier, elle n’est pas sans excuses. Il y a beaucoup de choses en Angleterre qui sont vieilles d’aspect, portent les caractères extérieurs d’un autre âge et ne soutiendraient pas longtemps l’épreuve d’une critique sévère ; mais l’esprit politique et l’esprit logique sont très différens l’un de l’autre, et une des forces de l’Angleterre dans le passé est précisément de ne les avoir pas confondus ; on y aimait même à conserver les formes antiques, à la condition, bien entendu, qu’elles n’entravassent pas la marche du progrès. La Chambre des Lords l’a-t-elle entravée ? On ne s’en aperçoit pas lorsqu’on regarde l’Angleterre d’aujourd’hui et encore moins celle d’hier. La Chambre des Lords a eu ses défaillances ; toutes les institutions humaines ont les leurs ; mais à la prendre dans son histoire, jusques et y compris ces dernières années, on ne trouverait nulle part ailleurs une Chambre haute qui ait joué un rôle aussi utile et rendu d’aussi importans services à son pays. Si elle n’a pas vu plus tôt la nécessité de se réformer, c’est que personne encore ne la voyait à côté d’elle et ne la lui dénonçait. En tout cas, elle a eu le mérite de la reconnaître très nettement lorsque les événemens la lui ont montrée et elle en a pris son parti avec une merveilleuse rapidité.

Les résolutions par lesquelles elle a procédé avaient l’avantage de pouvoir être votées très vite et l’inconvénient de n’avoir pas la précision de projets de loi. Elles ont porté sur deux points : le recrutement de la Chambre haute et ses attributions. Déjà, au mois d’avril dernier, lord Rosebery avait déposé un projet de résolution relatif au recrutement. Lord Rosebery a une situation personnelle intéressante dans le débat. Doué d’un esprit critique qui l’a empêché de s’attacher définitivement à aucun parti et a fait de lui un isolé en politique, il a du moins été bien servi par sa perspicacité, qui est fine et aiguisée, dans la question qui se trouve actuellement posée. Il a été un précurseur et a eu le sort de tous les précurseurs, qui est de n’être pas suivis. Le premier il s’est aperçu que la Chambre des Lords n’était plus en harmonie avec les autres institutions anglaises, et il a prévu qu’on lui en ferait un jour un reproche. Inutile Cassandre, on l’a écouté à cause de son éloquence, mais on a négligé ses conseils : on s’en repent sans doute aujourd’hui. Il avait donc qualité plus que personne pour prendre l’initiative qu’il a prise. La résolution dont il a déposé le projet devant la Chambre haute porte, avons-nous dit, sur son recrutement. En voici le texte : « La Chambre des Lords décide : — 1° Qu’à l’avenir elle sera composée de Lords du parlement : a) choisis par le corps tout entier des