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événemens, que la bonne volonté dont le général Cluseret fit preuve, en cette circonstance, n’aurait pas peu contribué à lui enlever sa popularité et à préparer sa chute. » Le hardi aventurier, qui voulut ensuite déguiser sa défection, écrivit de Mazas à Delescluze le 18 mai pour lui offrir de combattre avec les fédérés et lui conseilla de faire sauter les bastions, de fortifier la place de l’Etoile et le Trocadéro. Mais il ne prit point part aux derniers combats et put s’évader de Paris, grâce à l’appui d’un prêtre polonais qui, je crois, était l’abbé de Lisicki.

De son côté, M. Lagarde, qui comptait encore sur les bons offices de M. Thiers, écrivait à Flotte le 15 avril « qu’il avait vu quatre fois le personnage » et qu’il devait attendre deux jours pour une réponse définitive. La première visite lui avait donné de l’espoir, mais les lettres publiées par l’Affranchi avaient modifié les impressions. « Il y a eu conseils et ajournement pour notre affaire. Je vais me remettre en campagne. Puissé-je y réussir ! » Il écrivait en même temps à l’archevêque : « Je viens de voir pour la quatrième fois la personne à qui vous m’avez adressé et je dois attendre encore deux jours la réponse définitive. Je suis désolé de tous ces retards. »

Le 17 avril, M. Lagarde retourna à la Préfecture de Versailles et il y fut reçu par M. Barthélémy Saint-Hilaire qui lui annonça que M. Thiers n’était pas encore en mesure de lui donner sa réponse et le pria de lui laisser son adresse, afin qu’on sût où on pouvait la lui faire parvenir. M. Lagarde insista. Il dit dans quel embarras extrême et dans quelle triste situation on le jetait. Il rappela qu’il ne savait pas si l’archevêque recevait ses lettres. On l’invita à attendre encore. Aussitôt, il écrivit à Mgr Darboy : « Je suis toujours dans l’attente de la décision et n’ai rien pu obtenir de précis. Cependant, on m’a, ce matin encore, expressément dit de ne point quitter Versailles jusqu’à nouvel ordre ; je dois penser que tout n’est pas fini et il m’est permis d’espérer. » Ses journées se passaient à visiter et à négocier. Il voulait tant « améliorer la situation si pénible où son cœur de fils saignait de savoir son père toujours réduit. » Le 18, il écrit de nouveau : « La personne à qui vous m’avez chargé de remettre votre lettre me retient ici et je dois attendre sa réponse. Ce retard me désole bien, quand je songe à votre triste isolement ; mais que faire ? » Il se conformait à des ordres qui prouvaient que l’on pouvait encore espérer.