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estime que le métayage doit désormais céder la place à une forme d’exploitation supérieure et plus équitable : la location collective (affittanza collettiva). Le partage des fruits par moitié entre celui qui possède la terre et celui qui la cultive a pu correspondre autrefois à une juste évaluation des apports respectifs : il n’en est plus de même aujourd’hui. Autrefois, le propriétaire apportait à l’association, outre son capital, son intelligence, son expérience technique ou celle de ses agens, ses relations sur les marchés ; le paysan ne fournissait que son travail, matériel et machinal. Aujourd’hui, les conditions sont bien différentes. Le paysan est devenu capable d’appliquer à l’exploitation de la terre, non seulement l’effort de ses bras, mais encore celui de son intelligence. À qui doit-il ce progrès ? Ce n’est pas aux propriétaires, mais à la collectivité, qui, en instituant pour lui des chaires ambulantes d’agriculture, lui a permis d’apprendre son métier. Tandis que le métayer s’est mis en état de prendre une part de plus en plus efficace à la direction de l’exploitation, le propriétaire, par une conséquence fatale, tend à s’en occuper moins exclusivement : l’industrie attire son intelligence et ses capitaux ; ce qui l’intéresse désormais, c’est moins la production elle-même que la transformation industrielle des produits ; il fonde, il administre des sucreries et des fabriques de fécule. Maintenir la forme » du métayage, ce serait immobiliser dans l’exploitation agricole deux intelligences, dont l’une resterait inemployée et improductive. Le paysan lui-même en est venu progressivement à considérer la terre comme un simple capital ; il doit en payer l’intérêt au propriétaire ; il admet encore que les frais d’entretien et de conservation demeurent à sa charge : mais là se bornent ses justes obligations. Il faut donc remplacer la mezzadria par un nouveau contrat, qui reconnaisse l’inégalité des apports et la prenne pour base d’une répartition plus équitable des bénéfices. On obtiendra ce résultat, d’abord en modifiant la forme de la participation dans un sens plus favorable au travailleur et moins avantageux au propriétaire ; puis en renonçant définitivement au principe même de la participation, qu’on n’a pu appliquer aux conditions nouvelles de l’agriculture que par une série d’adaptations artificielles et caduques. Au métayage succédera la location. Elle sera d’abord individuelle ; mais le paysan isolé ne pourra pas lutter bien longtemps contre la concurrence des