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intérêts dont la sauvegarde lui appartient, le pouvoir civil avait usé du droit de les protéger que lui conférait « la police générale du royaume. » Toutefois, s’il n’y eut pas chez lui un dessein d’usurpation sur la souveraineté dogmatique de la puissance spirituelle, il y eut entre elle et lui des conflits, moins encore par jalousie d’influence que par l’opposition entre une conception idéaliste et une conception utilitaire. Le clergé eut à défendre sa juridiction matrimoniale contre l’excès des appels comme d’abus. Lorsque, dans ses assemblées quinquennales, il faisait valoir ses doléances à ce sujet, le Roi n’hésitait pas à reconnaître sa compétence, mais il y mettait la réserve que les tribunaux ecclésiastiques observeraient l’ordonnance de Blois. Tel fut le sens de la réponse que fit Henri IV à l’article 27 des remontrances de l’assemblée du clergé de 1605 et qui devint l’article 12 de l’édit de décembre 1606. La compétition des deux juridictions était inévitable et l’invention procédurière ne les laissait jamais à court de moyens. Les juges séculiers, par exemple, entravaient la procédure engagée devant le for ecclésiastique en soulevant sans raison un incident de rapt ou de subornation. Sur les protestations du clergé, l’édit de Melun de février 1580 limita à un an le délai dans lequel ces incidens devaient être mis en état d’être jugés. Les tribunaux civils s’attachaient à faire prévaloir l’application de la législation que nous venons d’analyser. La jurisprudence des officialités, au contraire, ne se conformait même pas d’une façon constante aux prescriptions du concile de Trente. Tel official, par exemple celui de Sens, celui de Soissons, déclarait nuls les mariages clandestins. D’autres, au contraire, et parmi eux celui de Paris, restaient fidèles à la vieille tradition canonique qui considérait les promesses de futur suivies de consommation comme les seules conditions indispensables. La jurisprudence oscillait ainsi entre la sévérité de la législation civile et la tolérance du droit canonique antérieur à la réforme de Trente. On se représente le parti que les passions et les intérêts tiraient de ces contradictions. Elles leur donnaient trop beau jeu, elles faisaient peser trop d’incertitude sur la légitimité du mariage et de la famille pour pouvoir durer bien longtemps, et la période que nous étudions n’était pas encore révolue que des deux systèmes en présence, du système spiritualiste et du système formaliste, c’était le second qui tendait à prévaloir. La multiplicité des appels