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la maison paternelle, avec l’espoir de faire un mariage tardif comme celui que leur mère avait contracté à vingt-huit ans. Chez Nic. Pasquier, au sujet d’une situation analogue, quoique sensiblement meilleure, ce n’est plus le sentiment mélancolique, attendri, qui respire dans les conseils de Fortin de La Hoguette. Ici, c’est un père qui refuse pour sa fille un parti parce qu’il ne pourrait donner à celle-ci, sans restreindre son genre de vie, la dot qu’on lui demande. Il était, en somme, si difficile d’établir convenablement les filles qu’en désespoir de cause on avait recours à des « apparieuses, » c’est-à-dire à des agences matrimoniales ou même au bureau d’adresses. Le nombre des fondations pour doter des filles pauvres était si grand qu’il faut renoncer à en donner des exemples.

Après avoir établi comme un indice de la réaction contre les chimères et les gaspillages des guerres civiles les calculs qui présidaient aux alliances matrimoniales, nous n’étonnerons personne en disant qu’il y en avait beaucoup où ces préoccupations positives n’étaient que secondaires. Ces dernières étaient fréquentes, surtout dans la classe parlementaire. Il y avait là des familles qui se ressemblaient tellement par les habitudes professionnelles et domestiques, par le caractère moral, qu’entre elles, elles se faisaient, pour ainsi dire, toutes seules, parce qu’elles étaient fondées sur une conception commune de la vie qui en décidait plus que tout le reste. C’est dans cette catégorie d’exception qu’il faut ranger le mariage de Robert Arnauld d’Andilly avec Mlle de La Boderie. L’indifférence des deux familles pour les avantages pécuniaires fut si grande que chacune signa en blanc et laissa à l’autre le soin de remplir l’état de ses apports. Désintéressement rare assurément, comme le remarque Arnauld d’Andilly, mais qu’on rencontre pourtant jusque dans des milieux où l’amour du lucre est le souci habituel et légitime. Ainsi quand Maillefert, le commerçant rémois dont nous parlions tout à l’heure, fait demander la main de Mlle Ravaux, il s’en remet, pour le chiffre de la dot, à son futur beau-père et, quand il se remarie, il obéit encore à une inclination et se montre aussi insouciant des avantages que peut lui apporter la future.

La première chose, pourtant, dans la série des actes et des cérémonies qui vont former le lien civil et religieux, c’est la rédaction des « articles de mariage. » Les parties y arrêtaient