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échouer cette audacieuse tentative d’un Culturkampf international. L’Europe désormais était en éveil contre le renouvellement de semblables manèges.

Au demeurant, la presse bismarckienne continua de propager les insinuations auxquelles les chancelleries européennes étaient désormais rétives ; et l’on tenta même, en Bavière, dans un manuel technique destiné aux militaires, d’enseigner aux réservistes ce qu’on ne pouvait plus faire croire aux hommes d’État. Le colonel Othon de Parseval, rédacteur du manuel, prodiguait les bons conseils aux hommes qui rentraient dans leurs foyers, et les mettait en garde contre deux internationales, la noire et la rouge. « L’internationale noire, » continuait ce curieux catéchiste, veut renverser l’empire germanique et établir à sa place la domination des prêtres romains : c’est à quoi les Français doivent concourir. »

Soucieux avant tout de la lutte contre Pie IX et contre les évêques, Bismarck interprétait, ou peu s’en fallait, comme un acte d’hostilité permanente de la part de la France, l’existence à Paris d’un cabinet et d’une majorité parlementaire dont la politique religieuse était toute différente de la sienne. Bismarck ne voulait, en France, ni le Comte de Chambord, parce que clérical, ni les Bonapartes, parce qu’il accusait l’Impératrice de cléricalisme ; les journaux libéraux sur lesquels il avait prise, ceux de la Bavière surtout, mettaient une coquetterie visible à noter avec allégresse tous les faits, petits ou grands, qui laissaient prévoir, en France, l’ascension des partis avancés. « Ce qu’il faut à l’Allemagne, écrivait Lefebvre de Béhaine, qui lisait. assidûment cette presse, c’est le triomphe du radicalisme, parce que tout ce qui n’est pas cela paraît entaché d’esprit clérical, et de l’ensemble d’idées à l’écrasement desquelles se sont voués tous les héros du Culturkampf. »

Étranges vicissitudes des partis ! À la fin de 1870, Gambetta et ses amis avaient représenté la patrie : Bismarck à ce titre les avait haïs ; il leur avait reproché de prolonger la guerre ; et Bismarck, à cette date, aurait souhaité de s’appuyer, contre eux, sur les évêques de France. Mais il semblait que pour l’instant sa hantise momentanée de la question religieuse eût lentement fait taire tous ses griefs de jadis ; il semblait qu’il pardonnât à ces patriotes de gauche d’avoir fait se lever, derrière la France vaincue à Sedan, une autre France inconnue de