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Il y avait lieu de craindre, sans doute, que l’évêque déposé, même exilé, ne continuât d’une façon occulte à gérer le diocèse par mandataire ; mais Falk intervenait avec des pénalités extrêmement sévères ; dix mois à deux ans de prison châtieraient tout individu qui exercerait, sans l’aveu de l’État, des prérogatives ou fonctions épiscopales ; et d’autre part, tout prêtre qui ferait un acte quelconque en vertu des instructions d’un tel individu serait passible de 100 thalers d’amende et d’un an de prison. Il faudrait que les murailles des prisons fussent larges et que les cachots en fussent étroits ; car en vertu de cet article, les curés ou les vicaires qui seraient convaincus d’obéir encore à l’évêque exilé ou à son représentant légitime, seraient passibles d’une peine pour chaque témoignage patent de leur obéissance.

Ainsi l’État prussien, dépité de ne pouvoir enregistrer une seule soumission, déposait-il à la Chambre, à la date du 20 janvier 1874, des projets nouveaux qui entraîneraient d’autres condamnations. Il voulait qu’on déférât à ses ordres, et créait maladroitement pour les catholiques d’autres occasions de les violer. En fait, on se trouvait dans un guêpier. Bismarck l’avouait en une heure de franchise, dans une lettre qu’il adressait à Roon et qu’une indiscrétion révélait au public ; il en avait assez de cette « politique du diable, » qui jour et nuit troublait ses digestions. Une fois encore il sentait Guillaume hésitant ; le projet sur le mariage civil, que le monarque avait naguère signé à contre-cœur, faisait son chemin dans les commissions et dans les Chambres ; bientôt il deviendrait loi : l’Empereur aurait à le sanctionner, et des scrupules le reprenaient, allaient peut-être paralyser sa main souveraine. Bismarck ranimait alors sa propre énergie, afin de retenir en haleine celle de son Empereur. Il lui montrait là-bas, à Londres, le comte Russell convoquant un meeting pour acclamer le Culturkampf allemand ; les archevêques anglicans, 337 parlementaires, 1 200 pasteurs, 60 villes de la Grande-Bretagne y donnant leur adhésion ; un parlementaire, sir Thomas Chambers, et un ancien prêtre romain, Chiniqui, dénonçant les conspirations de l’ultramontanisme contre les droits des rois ; le doyen même de Cantorbery jetant un défi à Rome et un bravo à Berlin ; et l’Américain Thompson s’écriant qu’à l’encontre de l’Eglise, Bismarck avait trois devoirs : « piler, broyer, écraser. » Le 2 février, une réunion des membres du